UNIVERSITÉ DE
OUAGADOUGOU
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FACULTÉ DES LANGUES, DES LETTRES, DES ARTS, DES
SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES
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DÉPARTEMENT DES ARTS ET COMMUNICATION
THEME : THOMAS SANKARA ET LA CONDITION FEMININE : UNE
VISION RÉVOLUTIONNAIRE ?
MÉMOIRE DE MAÎTRISE EN SCIENCES ET
TECHNIQUES DE L'INFORMATION ET DE LA COMMUNICATION
PRÉSENTÉ PAR : SAWADOGO POUSSI
ANNÉE UNIVERSITAIRE : 1998-1999
SOUS LA DIRECTION DE : MADAME HUGUETTE
KRIEF
MAÎTRE DE CONFÉRENCE
TABLE DES MATIERES
TABLE DES MATIERES
1
DEDICACE
3
REMERCIEMENTS
4
AVANT-PROPOS
5
INTRODUCTION
6
PREMIERE PARTIE :
LE STATUT DE LA FEMME AU BURKINA FASO : DE LA SOCIETE
PRECOLONIALE A LA REVOLUTION SANKARISTE.
14
CHAPITRE I : STATUT FEMININ DANS L'HISTOIRE DE LA
HAUTE VOLTA
15
1.1 Femme Burkinabé et société
précoloniale
15
1.2 Femme Burkinabé et société
coloniale.
18
1.3 Femme Burkinabé et société post-
coloniale
19
CHAPITRE II : RÉVOLUTION SANKARISTE ET STATUT DE
LA FEMME
21
2.1 L'éducation de la femme
21
2. 2 La femme dans le secteur socio-économique
24
2. 3 Le rôle politique de la femme
26
DEUXIEME PARTIE II : LES DISCOURS DE SANKARA
CHAPITRE I : AUX SOURCES DU DISCOURS
FÉMINISTE DE SANKARA
30
1.1 La Révolution française
30
1.2 Le Marxisme - Léninisme
32
1.3 Les collaborateurs de Sankara
35
CHAPITRE II : DISCOURS ET ÉCHO MÉDIATIQUE
37
2.1. Contexte historique et discours féministe de
sankara
37
2.2. Echo médiatique
38
TROISIEME PARTIE : L'ARGUMENTATION SANKARISTE
CHAPITRE I. LES MODALITÉS DE L'ARGUMENTATION
42
1.1 Les habiletés rhétoriques
43
1.2 Les arguments.
48
1.2.1 Les arguments socioculturels
48
1.2.2 Les arguments idéologiques.
51
1.2.3 Les arguments politiques
53
CHAPITRE II : LE DISCOURS FÉMINISTE.
55
2.1. L'image de la femme dans le discours sankariste.
55
2.1.1 La femme victime
56
2.1.2 La femme coupable
58
2.1.3 La femme positive.
60
2.2. Un discours polémique
63
2.2.1 Les partisans de la cause féminine
63
2.2.2 Les ennemis de la cause féminine
65
CONCLUSION
70
ANNEXES
77
BIBLIOGRAPHIE
82
SOURCES DE PRESSE
87
DEDICACE
Nous dédions ce travail à notre père
El Hadj Issaka OUEDRAOGO, arraché à notre affection le mercredi
31 mars 1999.
Qu'il soit récompensé pour la
générosité, l'humilité, la sincérité
et la bonté dont il a fait preuve tout au long de sa vie.
Nous dédions également ce travail à
notre mère, Salamata SAWADOGO, à toutes les mères,
à toutes les femmes et à notre amie OUEDRAOGO
Roukiatou.
REMERCIEMENTS
Ce travail est le fruit du dévouement et de sacrifices
de diverses bonnes volontés à qui nous adressons nos
sincères remerciements.
Nous présentons notre particulière et
authentique reconnaissance à notre Directeur de mémoire Madame
KRIEF Huguette qui malgré un emploi de temps très chargé
nous a suivi de façon singulière. Nous saluons sa rigueur et son
extrême exigence dans le travail.
Nous reconnaissons tous les efforts de notre Directeur de
mémoire de maîtrise d'Histoire, Monsieur Y. Georges MADIEGA, qui
nous a ouvert sa documentation personnelle. Nous le remercions pour son souci
constant du travail bien fait.
A Monsieur Serge Théophile BALIMA, Chef de
Département d'Arts et Communication et illustre enseignant au sein de
cette filière, nous disons merci pour la documentation, les conseils et
les soins dont nous avons bénéficiés de sa part.
Nous adressons les mêmes salutations à Madame
Marie Soleil FRÈRE du Département d'Arts et communication et
à Madame BADINI-FOLANE Denise du Département d'Histoire et
Archéologie.
Nous n'oublions pas tout le corps enseignants des deux
départements à qui nous devons notre formation universitaire.
Nous disons merci à notre ami et frère KONSIMBO
Pamoussa dont les conseils nous ont permis d'aboutir à ce
résultat.
Nous n'oublions pas de saluer le personnel de la
bibliothèque du CNRST, ainsi que Monsieur Georges ZONGO de la Maison de
la Presse, Mohammed Maïga qui nous ont permis d'accéder aux
journaux de la période révolutionnaire.
A nos parents, à nos amis et à tous ceux qui de
près ou de loin ont contribué à la réalisation de
ce travail, nous disons simplement :
« Merci ! ».
AVANT-PROPOS
Historien de formation et communicateur en formation, nous
voulons, de façon modeste participer au travail de mémoire que
chaque pays doit engager sur sa propre culture et son histoire, même la
plus récente. Les réserves, les silences observés en ce
qui concerne la période de la révolution sankariste, le manque
d'archives et de documents journalistiques sur cette tranche historique ont
rendu plus ardue notre recherche.
Notre ambition de départ a été d'analyser
le discours sankariste sur les paysans et les femmes, groupes
défavorisés des régimes antérieurs. Mais au cours
du travail de recherche et de sa réalisation, nous nous sommes
aperçu de l'énormité de la tâche que cela exigeait.
C'est ce qui nous a conduit à recentrer notre problématique sur
le discours féministe de Thomas Sankara.
Notre travail a relevé d'un champ
pluridisciplinaire, histoire, littérature, politique et
information ;ce qui peut constituer une référence
méthodologique pour les professionnels de l'information en situation
d'analyse de discours politique.
Nous sommes conscient des limites de notre travail. Ces
limites sont inhérentes au temps, à la documentation, aux moyens
matériels et intellectuels qui ont été les nôtres.
Non-spécialiste de l'analyse de discours, nous ne prétendons pas
en avoir maîtrisé tous les contours.
Nous espérons toutefois que notre humble contribution
servira aux journalistes, aux universitaires et à tous ceux qui
s'intéressent au discours politique. Seules l'objectivité, la
sincérité et la rigueur nous auront servi d'armes dans notre
démarche.
INTRODUCTION
Poser une problématique sur la condition
féminine en Afrique trouve sa raison d'être dans la
résurgence actuelle des débats sur la condition de la
femme : lutte contre l'excision, combat pour l'émancipation
politique, l'indépendance économique et l'augmentation du taux
d'instruction des femmes, en somme pour une discrimination positive à
l'égard des femmes, condition d'une égalité entre les
sexes. Nous avons choisi d'analyser dans cette perspective les discours de
Thomas Sankara, président du Burkina Faso de 1983 à 1987,
personnage central de la révolution burkinabé. Peu
d'études ont été consacrées à ses discours.
En effet, seules des biographies1(*) ont été écrites mettant en relief
son rôle politique dans l'histoire du Burkina Faso. D'autre part, aucune
des analyses portant sur la révolution burkinabé ont
abordé en profondeur le thème de la condition féminine.
Compte tenu de l'organisation hiérarchique du Conseil
National de la Révolution (CNR), instance suprême de la
Révolution Démocratique et Populaire (RDP) avec à sa
tête un seul chef, le capitaine Sankara, il paraît légitime
de prendre les discours prononcés par ce leader comme clé de
voûte idéologique de ce régime révolutionnaire.
Le sankarisme se présente comme un mouvement de
pensée marxiste - léniniste, prônant une révolution
prolétaire, paysanne, jeune et féministe. La Révolution
démocratique et populaire est le régime instauré par le
Conseil National de la Révolution sous la direction de Thomas Sankara du
4 août 1983 au 15 octobre 1987.
La RDP s'affiche comme nationaliste et
anti-impérialiste. Cette attitude politique s'exprime clairement dans la
devise du mouvement : « la patrie ou la mort, nous
vaincrons ! ». Les jeunes capitaines qui dirigent le
Burkina Faso se donnent quatre principes : « la défense
de la patrie (territoire), la défense des intérêts de
classe, la défense du pouvoir populaire, la défense de
l'internationalisme prolétarien2(*) ». Le but est de donner le pouvoir aux
groupes sociaux défavorisés : paysannerie,
prolétariat, femmes, jeunesse.
La RDP propose la construction d'un nouvel ordre
social : « Le caractère démocratique de cette
révolution nous impose une décentralisation et une
déconcentration du pouvoir administratif afin de rapprocher
l'administration du peuple, afin de faire de la chose publique une affaire qui
intéresse tout un chacun »3(*), affirme Thomas Sankara. C'est ainsi qu'une structure
politique décentralisée est mise en place : les
Comités de Défense de la Révolution (CDR)
représentent le pouvoir dans les villages. « Les armes du
Peuple, le pouvoir du peuple, les richesses du Peuple ce sera le peuple qui les
gérera et les CDR sont là pour cela »4(*).
Le C.N.R. cherche à instaurer une société
révolutionnaire, ce qui est synonyme, pour ses membres, d'une
société fondée sur la démocratie, la liberté
et l'indépendance. Dans les discours révolutionnaires se forge
peu à peu une vision manichéenne de la société
burkinabé : d'un côté se trouvent les ennemis de la
révolution, bourgeois, féodaux rétrogrades qui oppriment
le peuple, de l'autre côté les forces connotées
positivement composées de la classe ouvrière, de la petite
bourgeoisie, de la paysannerie et du
« lumpen-prolétariat »5(*). La RDP se place résolument du
côté du peuple et cherche à créer une
identité révolutionnaire. Le révolutionnaire doit
être un partisan du changement radical dans tous les domaines. Echo de
l'image idéalisée du jacobin de 1793 en France, le
révolutionnaire sankariste se veut un homme juste et intègre. Ce
personnage s'inscrit dans une représentation de la société
marxiste, austère et modeste dont la vertu même se trouve dans
cette austérité. Il doit être proche des masses
opprimées et exploitées et se met à leur service puisqu'il
se présente comme leur défenseur. L'idéologie
révolutionnaire invite même à développer une haine
pour l'injustice, pour l'oppression, pour l'exploitation et à avoir la
volonté de créer un ordre nouveau, une société
libre et sans classe6(*).
Thomas Sankara précise : « l'image du
révolutionnaire que le C.N.R. entend imprimer dans la conscience de
tous, c'est celui du militant qui fait corps avec les masses, qui a
foi en elles et qui les respecte »7(*). Sa seule préoccupation
est de travailler, nuit et jour, au triomphe du matérialisme dialectique
et du marxisme.
Le marxisme-léninisme se définit comme une
idéologie qui combat toutes les formes d'injustices et
d'exploitation : féodalité, impérialisme,
capitalisme. Il se fonde sur le matérialisme historique et dialectique
et s'attaque à l'exploitation de l'homme par l'homme. Il vise
l'instauration d'une nouvelle société sans classe et sans Etat.
Le règne du communisme est l'aboutissement de la lutte
prolétarienne, étape qui ne devrait se réaliser qu'avec
l'union de tous les prolétaires du monde entier. L'idéologie
marxiste- léniniste a vu le jour au XIXe siècle avec les
idées du philosophe allemand Karl Marx et de son ami Friedrich Engels.
Deux ouvrages fondent le matérialisme historique : La
Sainte famille (1845), L'Idéologie allemande
(1845-1846) et le célèbre Manifeste du parti
communiste (Londres 1848) qui expose les principes essentiels de la
conception marxienne de l'histoire et de la lutte des classes. Leurs
idées sont enrichies par Lénine au début du XXe
siècle. Des révolutionnaires comme Mao Zedong en Chine populaire,
Fidel Castro à Cuba, Thomas Sankara au Burkina Faso vont s'inspirer de
ces idées donnant naissance au maoïsme, au castrisme et au
sankarisme.
Thomas Sankara a guidé le destin du Burkina Faso de
1983 à 1987. Personnage clé en Afrique, il
« apparaît avant tout comme un révolutionnaire
mû par une profonde imagination morale devant les innombrables injustices
engendrées par l'impérialisme »8(*). Selon Ludo Martens, Sankara,
particulièrement sensible à la misère des peuples
africains, se présente comme un visionnaire, héritier de toutes
les révolutions : américaine, française et
soviétique. Il laisse l'image d'un dirigeant politique
« qui, toujours avec sincérité, souvent avec
candeur, parfois en prenant ses désirs pour des réalités,
avait cru que la démocratie directe était
possible »9(*). Ludo Martens, dans l'ouvrage qu'il consacre à
la révolution burkinabé, met en lumière ce personnage
politique admiré par les déshérités :
« Par sa jeunesse, sa simplicité, sa fougue
révolutionnaire, Sankara avait conquis le coeur du peuple
burkinabé »10(*). Tous ses actes de gouvernement traduisent un
volontarisme dynamique et combatif : « Militaire, il
ressemblait, par la passion et la conviction qu'il mettait dans ses
conversations, à l'étudiant gauchiste de mai 68. Même ses
adversaires reconnaissaient son intelligence, la vivacité de son esprit,
sa force de conviction »11(*). Sankara est le premier président, dans
l'histoire de son pays, à avoir affiché une volonté
farouche de protéger et de défendre les intérêts des
femmes. Des mesures concrètes ont été prises par lui en
leur faveur, contre l'excision, la prostitution, et pour le salaire vital.
Sankara se présente comme l'avocat- défenseur
des femmes considérées comme les
« prolétaires » de la RDP. Selon lui, les
femmes constituent un groupe social fragile, marginalisé,
exploité par l'administration, la féodalité et les hommes
en général. Elles sont victimes d'une injustice sociale et
économique. Elles ne bénéficient pas des acquis de la
science et des progrès économiques. Elles souffrent aussi bien
d'une misère matérielle qu'intellectuelle (plus de 90%
d'analphabètes). Les analyses de Sankara dans ce domaine
c'est-à-dire dans l'identification de la condition
défavorisée de la femme burkinabé paraissent toujours
d'actualité, puisque l'UNICEF en 1994 dans un rapport sur la situation
des femmes et des enfants au Burkina Faso en dresse un bilan encore
alarmant. « Utilisée comme objet, moyen de nouer des
alliances ou comme outil de cohésion du tissu social, la femme trouve sa
finalité dans le mariage et la procréation. Eternelle
étrangère aussi bien dans la famille d'origine, où elle ne
restera pas, que dans la famille du mari qu'elle peut quitter en cas de
désaccord, elle est écartée du partage des biens de
production tels que la terre et de toute succession à la
chefferie (pouvoir traditionnel) »12(*). La même institution
reconnaît que cette situation constitue une limite à
l'émancipation des femmes :
« Considérée comme une éternelle mineure,
tantôt dominée par le père, tantôt par le mari, la
femme est toujours reléguée au second rang. Le statut social et
économique de la femme demeure un handicap pour la promotion des
femmes »13(*). Peut-on parler de Sankara comme d'un
idéologue féministe ?. Si l'on définit le
féminisme comme « la doctrine, attitude favorable à
la défense des intérêts des femmes et de leurs
droits »14(*) , Sankara paraît bien être un
personnage clé dans les luttes féministes du Burkina Faso. Notre
recherche se trouve dans une certaine mesure justifiée sur le plan du
contenu par les nombreuses interventions de Sankara dans ce domaine, tant dans
ses discours que dans le projet de société formulé et la
mise en chantier de mesures en faveur des femmes.
Favoriser une analyse des discours de Sankara procède
de l'appréciation que ce leader faisait lui-même du verbe vis
à vis de l'action. « Tout ce qui sort de l'imagination de
l'homme est réalisable par l'homme »15(*). Conceptualiser puis prononcer
des mots, les faire vivre constituent une étape nécessaire de
l'action révolutionnaire. Banégas, dans Insoumissions
populaires et révolution au Burkina Faso, met bien en
lumière ce trait spécifique du Sankarisme :
« Le discours détermine l'action, l'idée engendre
le réel »16(*). Notre corpus comprend l'ensemble des discours de
Sankara portant sur la condition féminine. Bien qu'il ait souvent
improvisé ses discours, des efforts ont été faits pour les
rassembler dans un seul recueil. Thomas Sankara, « Oser
inventer l'avenir ». La parole de SANKARA (1983-1987)
présenté par David Gakunzi, Pafthinder, en 1991, contient 29
discours et interviews de Sankara. Dans cet ensemble, cinq discours abordent le
thème de la condition féminine :
Le Discours d'Orientation Politique, le 2 octobre 1983.
La Liberté ce conquiert, le 4 octobre 1984.
Même ennemi, même combat, le 17 mars 1985.
L'Abus de pouvoir doit étranger aux CDR, le 4 avril
1986.
La Libération de la femme : une exigence du futur,
le 8 mars 1987.
L'ensemble fait 87 pages de textes écrits. Mais tous
les discours n'abordent pas le problème de la femme de bout en bout. A
l'exception du dernier consacré exclusivement aux femmes, les autres le
font partiellement. Notre analyse consiste à mettre en relief la
pensée féministe de Thomas Sankara dans toute sa dimension. Issue
d'une vision révolutionnaire de la société, quelles en
sont les spécificités ? La défense de certaines
valeurs implique le plus souvent d'engager une polémique. Ce volet
est-il représenté dans le discours de Sankara ? Analyser et
commenter un discours politique consiste à aller au-delà de la
simple reproduction, des messages initiaux d'autres termes. Notre étude
tentera de déterminer les « processus de sélection
et de transformation des significations ou des symboliques sociales qui se
réalisent effectivement au cours de l'activité
d'énonciation »17(*). Ceci nous permettra, en particulier, d'aborder les
techniques de propagande utilisées par le président Sankara. A ce
niveau, le patrimoine lexical de Sankara vient étayer la
démonstration. Nous y décèlerons la vision de la femme
qu'il construit, la morale qu'il propose, et sa mise en scène du
politique.
Nous tiendrons compte toutefois d'une évolution
perceptible dans l'expression des thèses féministes de Sankara.
En effet, pendant les premiers moments de la révolution, le propos est
très engagé soutenu par une détermination absolue à
combattre tout ce qui s'oppose à l'élan révolutionnaire.
Mais à partir de 1985, l'argumentation s'assouplit, après que
Sankara a constaté des résistances rencontrées dans
l'application des principes généraux et
révolutionnaires.
Notre travail se présente comme une analyse en trois
volets. Il nous a paru nécessaire d'établir les conditions
générales de production des discours de Sankara sur les femmes.
Comment apprécier une avancée politique, si ne sont pas mis en
valeur les conditions réelles de la femme dans la
société burkinabé ?. A partir de ce constat
dans un deuxième volet, nous avons cherché à travailler
sur l'argumentation de Sankara, tenant compte de ce qui était aux
sources de la pensée de ce leader. Cette analyse dans le cadre d'un
travail de maîtrise, ne pourra être qu'effleurée, mais elle
se justifie dans la mesure où la pensée de Sankara n'est pas
unique, elle n'apparaît pas soudain dans l'histoire des idées,
sans aucun rapport avec d'autres pensées féministes. Dans un
troisième volet, nous avons voulu mettre l'accent sur la
caractéristique propagandiste du discours sankariste et ses
modalités polémiques.
PREMIERE PARTIE
LE STATUT DE LA FEMME AU
BURKINA FASO
DE LA SOCIETE PRECOLONIALE
A LA REVOLUTION SANKARISTE.
CHAPITRE I.
LE STATUT FÉMININ DANS L'HISTOIRE DE LA
HAUTE-VOLTA.
Comme l'ensemble des femmes africaines, la femme
voltaïque connaît des conditions de vie qui sont tributaires de
l'évolution historiques.
1.1 FEMME BURKINABÉ
ET SOCIÉTÉ PRÉCOLONIALE
Les régions de la Haute-Volta avant la colonisation,
pratiquaient essentiellement l'agriculture.
Cette dernière était une production domestique
consacrée aux céréales dans les zones de savane et aux
tubercules dans les régions plus humides. La femme ne se
présentait que comme un élément de la famille :elle
n'avait pas d'existence en dehors de celle-ci. La terre exploitée le
plus souvent par les femmes et les jeunes relevaient du patrimoine de la
famille, au sens large du terme. La famille avait une valeur sociale et
économique. Unité de production, elle atteignait un remarquable
stade d'autonomie et d'autosubsistance. C'est la raison pour laquelle la
famille devait produire elle-même les agents de production. Ce besoin
expliquait la polygamie. Elle se justifiait par le rôle à double
dimension que devait jouer la femme : agent de production elle-même
et agent de reproduction de main-d'oeuvre.
La femme précoloniale, comme tous les membres de la
société, devait un strict respect aux règles. La religion
vécue comme un besoin d'ordre, de paix et de sécurité
recommandait le respect de la loi des ancêtres et de la hiérarchie
sociale. Les sujets, les cadets, les enfants et les femmes devaient se
soumettre et obéir scrupuleusement, respectivement, au roi, aux
aînés, aux parents et aux maris. Dans ce système
hiérarchisé, la femme n'avait aucun rôle politique.
Aristote n'abondait-il pas dans le même sens lorsqu'il analysait le
fonctionnement de la famille ? «Cette association (la famille)
implique une hiérarchie naturelle : La nature a formé
l'homme, qui possède plus d'intelligence pour commander, la femme,
l'enfant, l'esclave pour obéir ». La femme occupait une
place marginale dans le Moogo. Elle ne jouissait d'aucun droit. Donnée
en mariage par ses parents, elle devenait un élément du
patrimoine de son époux. Elle intervenait néanmoins dans les
rites à caractère religieux. En effet, la première femme
(Pug-keema) gardait dans sa case les fétiches familiaux du mari18(*).
Dans la société moaaga, les vieilles femmes
pouvaient donner leurs avis. La première femme du chef (Pug-keema)
jouait le rôle de conseillère discrète. Elle était
membre du jury du système judiciaire. C'est à elle que revenait
la présidence du harem royal grâce à son rang de
conseillère dans les affaires coutumières et religieuses. La
coutume réservait une place fondamentale à la fille
aînée du roi (Napoko). Elle assurait l'inter -règne
à la mort de son père19(*).
En fait, la situation de la femme moaaga n'était pas
celle d'une esclave. L'épouse représentait un pilier commun de
toute la famille et tous les membres lui devaient respect. Cependant, elle
devait en retour se conformer à des vertus notamment
l'obéissance, la soumission et la fidélité
absolues20(*). Cette
autonomie relative n'était pas aperçue par le visiteur du pays
moaaga. Ainsi l'explorateur Binger tirait, en 1887, de ce que le prince Boukary
Koutou lui donna trois jeunes filles en mariage en lieu de cadeau de bienvenue,
l'idée que la femme était considérée comme un objet
de transaction, un bien de consommation. Une fois entre les mains des hommes de
Binger, ces pauvres femmes renoncèrent à leur liberté et
firent preuve d'une docilité exemplaire. L'explorateur
interprétait ainsi leur attitude : « Décemment
vêtues et relativement bien nourries, elles n'en demandaient pas
davantage. Elles ont très bien compris que nos hommes ne les
traiteraient pas, comme, cela a eu lieu par ici, comme des bêtes de
somme, des brutes ou des animaux de production »21(*).
La femme contribuait énormément à
l'économie du ménage par la culture du champ collectif, le
travail de son lopin de terre personnel, les tâches domestiques
(ménage, filage de coton) et le commerce de soumbala (arôme
traditionnel), du beurre de karité, des céréales et des
produits artisanaux22(*)
(poterie, vannerie).
En somme, la femme moaaga connaissait une condition
d'infériorité très marquée. Son seul luxe,
toléré par son mari, se limitait à porter des anneaux ou
des bracelets dont elle se paraît les jambes et les bras. Elle devait un
respect scrupuleux à tout homme. « La femme salue et ne
parle pas à qui que ce soit sans se prosterner et se tenir les joues
avec les paumes des mains tournées en dehors, les coudes touchant
terre »23(*).
Cependant quelques femmes se montrèrent dignes de
gouverner avant la période coloniale dans certaines
sociétés traditionnelles, telle la princesse Guimbé
Ouattara qui fut une femme remarquable, Née vers 1836 à
Bobo-Dioulasso, elle eut une grande influence sur le plan local. Refusant de se
plier à la dictature de son époux, malgré un mariage
précoce à quinze ans24(*), elle subit des châtiments corporels dont elle
conserva les marques bien visibles au front et près du nez. Elle
détenait des esclaves et des hommes d'armes qu'elle prêtait dans
les expéditions guerrières, ce qui lui procurait des revenus
substantiels25(*).
Guimbé Ouattara s'illustra aussi comme la protectrice d'explorateurs,
tels que Binger, Crozat et Monteil. Reconnaissante, l'administration coloniale
songea à lui confier la direction de certains cantons de Bobo-Dioulasso.
Cependant, son cousin Dafogo Ouattara s'y opposa sous le prétexte qu'
« une femme, selon lui, ne pouvait pas commander dans leur
pays ». C'est dire la limite donnée au pouvoir politique
des femmes dans la société précoloniale.
1.2. FEMME BURKINABÉ
ET SOCIÉTÉ COLONIALE.
La loi de 1921, en Afrique Occidentale Française
(A.O.F), invitait à tenir compte du statut personnel de la
femme26(*). En mai 1931,
se tinrent les Etats généraux du féminisme à
l'exposition coloniale de Vincennes en France27(*). Les réflexions portèrent sur la
situation légale, morale et économique de la femme aux colonies.
Le constat était que la condition féminine présentait des
aspects épouvantables : mariages trop précoces, rudes
travaux imposés à la mère jusqu'aux derniers jours de sa
grossesse, sous-alimentation chronique. L'existence de la femme se
réduisait à une vie faite de « misère
matérielle »28(*). Les femmes réunies à Vincennes, toutes
françaises des colonies, accusèrent non seulement les Africains,
mais aussi la puissance coloniale d'être responsables de la souffrance
des femmes indigènes. Le portage et la corvée était leur
quotidien. « On en voit, leur bébé dans le dos,
employées aux travaux pénibles de route »29(*), témoignait une
participante. Les colonisatrices émirent le voeu de nommer des
inspectrices du travail pour protéger efficacement le travail
féminin. Dans les colonies, bien que le taux de scolarisation des filles
était nettement inférieur à celui des garçons,
l'éducation paraissait à l'époque comme un remède
à la condition inférieure de la femme. Les Etats
généraux du féminisme émirent le voeu de
développer l'enseignement des fillettes dans les mêmes conditions
que celui des garçons. Cet enseignement féminin devait être
ménager d'abord, professionnel ensuite.
De fait la situation de la femme africaine sous la
colonisation était un concentré de douleurs et de peine. En plus
d'une soumission imposée par les traditions ne devait-elle pas plier
sous le joug des travaux forcés, de l'impôt de capitation et des
abus de toutes sortes ?. La colonisation, n'ouvrant aucun accès
à la scolarisation des filles30(*), n'a pas bouleversé son statut
traditionnel.
La conférence de Brazzaville en 1944, signe
annonciateur de la décolonisation a introduit l'idée de faire
évoluer le statut des personnes dans les colonies françaises
d'Afrique. Celui de la femme devait être modifié par
l'introduction du principe de liberté du choix du conjoint et du
consentement préalable au mariage. Tout allait être mis en oeuvre
pour faire progresser le mariage monogamique, par un combat ardent contre la
polygamie. Le divorce arbitraire devait être sévèrement
sanctionné31(*).
Ces mesures visant l'évolution de la condition de la femme n'ont connu
aucune application. Le seul acquis en faveur des femmes au cours de la
période coloniale reste les mesures prises par les autorités
coloniales pour le libre consentement des deux partenaires au mariage
(décret Mandel). Forts de ce décret, les missionnaires ont ainsi
combattu le « mariage forcé » des
filles32(*). La condition
féminine ne fera l'objet d'une réflexion critique qu'avec les
Indépendances.
1.3. FEMME
BURKINABÉ ET SOCIÉTÉ POST- COLONIALE
Les années 1960 marquent l'accession des pays africains
à l'indépendance. La problématique du travail
salarié et l'égale participation de la femme à la vie
publique sont posées. Les femmes revendiquent leurs droits
confisqués par les hommes. C'est le temps de l'engagement des femmes
dans les associations féministes, les partis politiques et dans les
syndicats.
En Haute-Volta, dès 1958, une femme est nommée
« Ministre des Affaires Sociales, de l'Habitat et du travail dans le
conseil de gouvernement de la Haute-Volta »33(*). Cette femme est
Célestinne Ouézzin-Coulibaly. Sa nomination a lieu un mois
après le décès de son mari. Ce qui a fait dire à
certains qu'il s'agit d'une nomination de consolation. Puis le 3 janvier 1966
une enseignante au Cours normal des jeunes filles, Jacqueline Ki-Zerbo,
épouse de Joseph Ki-Zerbo, participe activement à la
manifestation syndicale qui a provoqué la chute du régime de
Maurice Yaméogo.
Dans cette perspective, le 27 septembre 1967, Moussa
Kargougou, alors Directeur de l'éducation rurale, prononce une
conférence sur l'émancipation de la femme. Il se réjouit
du fait que de nombreuses études portent sur la condition
féminine. « Il faut se féliciter et se
réjouir de cette justice rendue à la femme Africaine, de la
réhabilitation officielle de sa dignité, ainsi que la valeur de
sa personne humaine, de la reconnaissance explicite de son existence
désormais incontestable, et par voie de fait, du rôle
éminent et combien bénéfique qu'elle peut et doit jouer
pour le bien être individuel et collectif, pour l'évolution
progressive et harmonieuse de la communauté toute entière
à la quelle elle appartient »34(*). Selon Moussa Kargougou,
l'homme et la femme ont les mêmes capacités intellectuelles. La
Haute-Volta doit, parallèlement à la formation de ses hommes,
émanciper par une éducation judicieuse ses jeunes filles et ses
femmes en vue de son développement économique. Mais ces
discours sont restés sans effet. La participation réelle des
femmes à la vie politique de la cité reste très
limitée.
Il faut attendre 1976, lors de la proclamation de
« la décennie internationale de la femme »
(1975-1985) pour assister à la nomination de Sigué Fatoumatou
comme Secrétaire d'Etat aux affaires sociales. En 1978, elle devient
Ministre des Affaires sociales et de la condition féminine. Le
Département des affaires sociales et de la condition féminine est
confié de la même façon à une femme sous le
Comité Militaire pour le Redressement et le Progrès National
(CMRPN) du président Saye Zerbo (1980-1982). Le président
Jean-Baptiste Ouédraogo (1982-1983) élargit le champ d'action des
femmes en politique en confiant, le ministère de la justice, Garde des
sceaux, à une femme. C'est la première fois dans l'histoire du
pays que deux femmes se trouvent nommées dans un gouvernement35(*). Malgré le dynamisme
des mouvements féministes et la participation de quelques femmes
à la prise de décision politique, la femme reste, en Haute-Volta.
dans un statut d'infériorité.
C'est alors que survient la Révolution
démocratique et populaire (RDP) avec un programme ambitieux en faveur
des femmes.
CHAPITRE II
RÉVOLUTION
SANKARISTE ET STATUT DE LA FEMME
Lors d'une interview à Ouagadougou en mai 1984, le
président Sankara expose avec soin le statut de la femme
burkinabé. Il souligne que les femmes vivent dans une sorte d'univers
carcéral. Au Burkina Faso les femmes représentent 51,1% de la
population totale et, cependant, elles occupent une place marginale dans les
secteurs éducatif, politique et socio-économique.
2.1 L'ÉDUCATION DE
LA FEMME
Quel que soit le type d'orientation traditionnelle ou moderne,
la jeune fille reçoit une éducation différente de celle de
son frère. L'enseignement dispensé à la jeune fille
consiste à la façonner, à la conditionner pour jouer son
rôle ménager et maternel. Elle est éduquée dans le
sens de la soumission. Dès les premiers âges de sa vie, ses jeux
sont orientés vers les travaux ménagers et l'apprentissage de la
maternité36(*). Les
stéréotypes en matière d'éducation sont
nombreux37(*). Les manuels
scolaires, à travers les textes et les illustrations, véhiculent
des préjugés à l'endroit des filles. Ils contribuent
à perpétuer diverses formes de discrimination fondées sur
le sexe. Ces documents sont des vecteurs de transmission des normes, des
valeurs et d'une idéologie sexistes. Cela influence, avec certitude, le
développement des attitudes et des comportements. Les
représentations des filles restent négatives. Elles sont
perçues comme des personnes passives, faisant preuve d'une
affectivité excessive, obéissantes, dévouées,
silencieuses, maladroites, faibles, dépendantes, parfois frivoles :
toutes choses qui concourent à alimenter le mythe de la
« femme objet ».
Dans le Livre unique de français de
l'écolier africain (cours moyen, deuxième année), en
usage au Burkina Faso dans les années 1980, ces
stéréotypes préjudiciables à l'image des filles
foisonnent. A la page 14, on y lit : « Yassi, dont le nom
signifie femme, était la plus jeune des filles de Drébedjé
et de trois saisons moins âgée que Kossi. Douce elle était
et jolie, et plaisante. Elle prenait son temps pour parler, ne s'emportait
jamais, ne prononçait jamais un mot plus haut que
l'autre » Dans la leçon de lecture
« la préparation du repas »38(*), la petite Maïmouna est
représentée comme mère et ménagère. Elle
fait la vaisselle, va au marché pour l'achat de provisions et fait la
cuisine. Elle doit accorder des soins précieux à sa
poupée. Elle vaque chaque jour « à ses
occupations en petite ménagère consciencieuse ».
malgré son âge, Maïmouna a beaucoup d'amour propre et entend
réussir dans toutes « ses naïves
entreprises ».
A l'opposé de ces filles dociles et soumises, le
même manuel présente le jeune Julien comme le prototype du
rebelle !39(*). Il
refuse d'assurer la garde de la scie. « Au lieu de surveiller
attentivement l'action de tout le mécanisme, Julien
lisait ». Le prototype du jeune mâle viril devient dans
ces ouvrages l'expression de la bravoure et du courage40(*). C'est ainsi qu'un jeune
boxeur reçoit la plus belle médaille, celle vermeil de la ville
de Paris. De telles images contenues dans les manuels scolaires contribuent
à renforcer chez les jeunes des deux sexes, l'idée
communément admise de la supériorité de l'homme
(« sexe fort ») sur la femme (« sexe
faible »).
Favorisant une image traditionnelle de la femme, le
système éducatif moderne connaît de fait une faible
participation de la femme. Des disparités existent entre les
garçons et les filles. En 1983, le taux de scolarisation au Burkina Faso
est de 20%. Dans le primaire les filles représentent 37% des effectifs
scolarisés. Ce chiffre est de
34,5% au secondaire et 22,9% au supérieur. Avec
l'avènement de la révolution, l'éducation de base prend de
l'importance. Au niveau du préscolaire, on assiste à la floraison
de garderies populaires à partir de 1985. Ces établissements
destinés à l'encadrement de la petite enfance visent à
généraliser l'éducation préscolaire, à
responsabiliser les familles à mieux jouer leur rôle dans les
activités d'éveil du jeune enfant et à décharger
les mères de la garde des enfants41(*). De telles structures d'éducation ont vu le
jour dans la Chine maoïste. Au niveau de l'enseignement primaire, le
constat est alarmant. Le taux de scolarisation des filles est nettement
inférieur à celui des garçons. De 1985 à 1987, le
nombre de filles inscrites pour 100 garçons inscrits est de 59 au
primaire , 51 au secondaire et 29 au supérieur42(*).
L'analphabétisme touche 92,5% de la population dont 98%
des femmes43(*).
L'alphabétisation qui a pris de l'importance avec la révolution
présente aussi des disparités entre les hommes et les femmes. En
1985, le taux d'alphabétisation est de 14,48% dont 19,35% pour les
hommes et 1,72%44(*) pour
les femmes. Un certain nombre de contraintes justifient ce taux
élevé de l'analphabétisme de la population
féminine45(*) qui
se caractérise par l'accès difficile et la durée de
séjour réduite des filles à l'école. La cellule
familiale préfère donner précocement ses filles en
mariage. L'instruction, dans la mentalité des parents, est incompatible
avec les qualités et les valeurs féminines. Cette
méconnaissance de l'importance de l'éducation des filles fait que
la jeune fille scolarisée est occupée à plein temps par
des tâches domestiques pénibles46(*). Ne pouvant pas concilier la vie
d'élève et les tâches domestiques, elle finit par s'exclure
du système éducatif.
Dans la communauté rurale, les chefs religieux
s'opposent à l'éducation féminine. Ils craignent que la
femme soit plus instruite que le futur mari. Les relations entre filles et
garçons et celles entre filles et enseignants sont en défaveur
des premières. De ce fait le maître accorde peu
d'intérêt aux filles. A cela s'ajoutent les barrières
culturelles entre les hommes et les femmes qui donnent naissance au
préjugé selon lequel la fille a, par nature, des capacités
moindres que le garçon pour apprendre. Cette misère
intellectuelle des femmes les contraint à tenir un rôle
secondaire, quand il s'agit de prendre une décision qui
intéresse la vie de la famille ou de la communauté.
2. 2 LA FEMME DANS LE
SECTEUR SOCIO-ÉCONOMIQUE
La situation socio-économique de la femme
burkinabé est particulièrement difficile. La structure familiale,
les religions et les coutumes sont sources de la misère des femmes.
Le Burkina Faso connaît différents types de
familles : nucléaire, étendue ou entourée de
satellites. Mais dans toutes ces modalités familiales, le patriarche est
le seul et l'unique maître. Des rapports instaurent la primauté du
groupe sur l'individu, des aînés sur les cadets, mais surtout de
l'homme sur la femme. Cette dernière assume le rôle de production
et reproduction, ce qui la réduit à un statut inférieur
dans la société47(*). Dès la petite enfance, la fillette est
préparée pour jouer ce rôle. Elle subit des pressions
sociales qui violent la satisfaction de ses besoins essentiels et de ses
droits. Dès l'âge de 6 -7 ans, elle exécute les
tâches de l'assistante ménagère qu'elle incarne :
ménage, nettoyage, garde bébé48(*). Entre 12 et 18 ans, elle fait
l'objet de don précoce en mariage forcé. « Bien
souvent, la reconnaissance provoquée par l'hospitalité ou
l'existence d'une ancienne dette suffit pour qu'une fille soit promise49(*) ». En 1985, plus de
la moitié des femmes sont mariées avant vingt ans. Les filles
sont exclues de la propriété de la terre et du partage de
l'héritage des biens des parents défunts. La femme doit ainsi se
conformer au voeu de la société en acquérant des
qualités telle que la soumission, l'obéissance et la
fidélité. En d'autres termes, elle doit accepter passivement la
domination et l'exploitation de l'homme.
Cette attitude donne un sens au mariage,
« expression majeure des relations sociales »50(*), qui constitue un
marché où la femme représente la marchandise. Que explique
l'existence de la polygamie, une institution qui permet aux aînés
d'acquérir d'importants revenus par la vente des filles (la dot ou le
prix de la femme).
D'autre part, par son travail, la femme joue un rôle
économique déterminant dans la société. Les femmes
au sein de la division du travail, exécutent jusqu'aux trois quarts des
travaux agricoles. L'homme construit la maison, mais « c'est la
femme qui fait le foyer »51(*) affirment les Moose. L'analyse des conditions
socio-économiques de la femme birifor et bwa par Claudette Savonnet -
Guyot illustre bien ce constat. Elle s'occupe des travaux
ménagers : cuisine, eau, bois. Avec la division sexuelle du travail
agricole, les semailles, les moissons, les binages et le transport des
récoltes relèvent des femmes. Ces activités dites
typiquement féminines ne sont pas rétribuées. Esclave de
l'homme, la femme rurale mène une vie misérable.
« L'homme se comporte aux champs comme un contremaître et
il regarde faire ses ouvrière »52(*), note Thomas Sankara. Les
années 1983-1984 sont marquées au Burkina Faso par des
sécheresses répétées.Les hommes, dans les
campagnes, pour lutter contre la famine, ont souvent recours à
l'émigration. Ils abandonnent ainsi leurs épouses, contraintes de
se battre pour nourrir les enfants.
Dans une telle situation historique et sociologique
défavorable à la femme, Thomas Sankara qui accède au
pouvoir en Août 1983 cherche à transformer la
société burkinabé, dans le but de libérer les
femmes et de leur reconnaître des droits et non seulement des devoirs.
2. 3 LE RÔLE
POLITIQUE DE LA FEMME
A l'avènement de la RDP, seules quelques femmes
assument des responsabilités élevées, notamment dans les
secteurs de la santé, des affaires sociales et de l'enseignement.
Toutefois il est à noter que ces domaines sont
généralement féminisés alors que les secteurs du
pouvoir financier économique, ou de la défense leur sont
défendus. Le rôle politique des femmes semble pratiquement nul. Il
manque un cadre dans lequel les femmes peuvent bénéficier d'une
formation politique. Conscient de l'importance numérique des femmes et
des jeunes, Sankara leur fait appel pour consolider le mouvement
révolutionnaire53(*). Soucieux de la libération des femmes, il
oeuvre à la création de l'UFB (Union des Femmes du Burkina) et la
DMOF (Direction de la Mobilisation et de l'Organisation des Femmes). Ces
structures révolutionnaires vont contribuer à l'éveil
politique des femmes. Les autorités de la RDP se montrent très
volontaristes. La participation de la femme au processus révolutionnaire
en particulier et au processus de développement économique en
général est un maître mot dans les plans et programmes de
développement. Le partage effectif du pouvoir avec les femmes devient
une réalité. C'est le temps de l'avènement en
quantité et en qualité des femmes à des postes de
responsabilité politique54(*). Tous les ministères sont ouvertes aux
femmes : Budget, Finances, Tourisme, Culture, Essor familial55(*). En 1987, la participation
à la vie politique et au pouvoir de décision au Burkina Faso est
significatif.56(*) :
Le Burkina Faso apparaît comme un pays où le
pouvoir politique se féminise. « Les promesses faites dans
le discours d'orientation politique du président Sankara ont
été tenues »57(*).
Dès le mois d'avril 1984, trois femmes prennent en main
des commandements territoriaux mettant fin au mythe de l'homme
commandant58(*). Belemsaga
Denise devient préfet de Bobo-Dioulasso et Bila Odette celui de
Ouagadougou, Ouédraogo Joséphine se voit confier le poste de
Secrétaire général de la Mairie de Ouagadougou. Le
processus se poursuit et, en août 1984, trois femmes font leur
entrée au gouvernement59(*) : Adèle Ouédraogo au Budget, Rita
Sawadogo au sport et des loisirs et Joséphine Ouédraogo à
l'essor familial et à la solidarité nationale. Les deux
premières occupent des postes qui sont hors du champ
« privilégié » de féminisation du
pouvoir. En 1986, cinq femmes accèdent aux instances
décisionnelles gouvernementales, représentant 20% de
l'équipe (5/25 membres)60(*).
La « déphallocratisation » de
l'administration devient une réalité tangible. Quatre femmes sont
hauts-commissaires : Aïcha Traoré (Passoré), Eve Sanou
(Sanguié), Béatrice Damiba (Bazèga) et Germaine Pitroipa
(Kouritenga). Thomas Sankara impose des femmes dans l'armée.
« On a vu une escorte présidentielle composée
exclusivement de femmes, ce qui n'est pas sans rappeler les gardes
féminines (les «amazones ») du royaume
d'Abomey »61(*). Les hommes et les femmes sont astreints au Service
National Populaire (SERNAPO) qui se veut une formation militaire et civique.
Les autorités du CNR sont convaincues de la nécessité de
la libération des femmes, et Alice Tiendrébéogo,
Secrétaire d'Etat à l'Action sociale au ministère de la
Santé dans le Front populaire, soutient que « ce qui est
important aussi, c'est le fait que nos dirigeants sont sincères, c'est
à dire qu'ils croient réellement à l'émancipation
de la femme. Depuis le 4 Août 1983, il y a eu énormément
d'actions qui ont été lancées en faveur des femmes
burkinabé »62(*). Malgré tout, le changement des
mentalités n'intervient que de manière très modeste. Les
femmes participent aux travaux d'intérêts communs, mais restent
muettes aux Assemblées générales et s'absentent aux
veillées-débats. Celles qui militent sont critiquées et
des révolutionnaires même préfèrent garder leurs
femmes à la maison63(*).
Cependant, par le biais des organisations féminines,
les femmes poursuivent leur marche vers l'émancipation. En mars 1985,
après une profonde réflexion, les femmes soumettent au
gouvernement des recommandations et des résolutions. Ce document se
présente comme un résumé des principales
préoccupations des femmes sur les plans juridique, éducatif et
socio- économique. C'est la première fois qu'elles tentent
d'élaborer une conduite à tenir pour favoriser une
véritable émancipation. Elles ont compris « qu'on
ne libère pas un esclave, il se libère »64(*) et s'investissent à
briser elles-mêmes les chaînes de leur condition.
En somme, l'histoire et la sociologie révèlent
que la femme est toujours réduite à son rôle biologique
d'épouse et de mère. Thomas Sankara accède au pouvoir et
s'engage à être l'avocat irréductible des femmes.
« Notre révolution intéresse tous
les opprimés, tous ceux qui sont exploités dans la
société actuelle. Elle intéresse par conséquent la
femme, car le fondement de sa domination par l'homme se trouve dans le
système d'organisation de la vie politique et économique de la
société. La révolution en changeant l'ordre social qui
opprime la femme, crée les conditions pour son émancipation
véritable65(*) ».
DEUXIEME PARTIE :
LES DISCOURS DE SANKARA
CHAPITRE I :
AUX SOURCES DU DISCOURS
FÉMINISTE DE SANKARA
Le discours féministe de Sankara n'apparaît pas
dans l'évolution de la pensée politique africaine ex nihilo. Le
leader burkinabé est l'héritier de théoriciens qui l'ont
précédé dans la voie de l'émancipation
féminine « ouverts à tous les vents de la
volonté des peuples et de leurs révolutions, nous instruisant
aussi de certains terribles échecs qui ont conduit à de tragiques
manquements aux droits de l'homme, nous ne voulons conserver de chaque
révolution que le noyau de pureté »66(*).
Les références sont autant tirées de la
Révolution russe de 1917 que de la Révolution française.
Retrouver les sources de la pensée sankariste est une recherche
très ample, puisqu'il est possible d'identifier à la fois des
traditions politiques dans laquelle s'inscrit Sankara de manière
implicite et des textes précis dont le leader avoue s'inspirer sur le
plan idéologique.
1.1 LA RÉVOLUTION
FRANÇAISE
Que la Révolution française ait
été un point de référence pour les
Révolutionnaires des XIXe et XXe siècle est incontestable.
L'ouvrage, Les Chaînes de l'esclavage de Marat,
incitant le peuple à une radicalisation de la révolution,
n'a-t-il pas inspiré plus d'un ? Dans le domaine des revendications
féministes, Condorcet et Olympe de Gouges restent des figures
emblématiques qui ont marqué les esprits
révolutionnaires.
Pour Condorcet, les femmes représentent la
moitié de l'humanité. Aucun progrès politique, aucune
régénération de la société ne sont possibles
sans elles. Il s'attaque à l'ordre ancien pour transformer la
société radicalement. Conscient que la loi peut transformer les
mentalités, Condorcet s'investit dès 1789 pour la mise en place
d'une structure législative appropriée. De telles mesures
devaient rendre justice aux femmes. Il réclame l'égalité
des droits entre les sexes. « N'est ce pas en
qualité d'être sensibles capables de raison, ayant des
idées morales que les hommes ont des
droits ? »67(*).
L'exclusion, selon lui, est obscurantiste. L'argumentation
fondée sur des raisons d'ordre physiologique est ridiculisée.
Condorcet précise que la femme n'a pas de comportement ou de
capacité qui la distingueraient de l'ensemble de l'humanité. Il
affirme qu'on a tiré parti d'arguments anatomiques et physiologiques
pour masquer la prise de pouvoir des hommes sur les femmes. Les limites que
l'on peut observer sur le plan intellectuel ne sont pas imputables à
leur intelligence, à leur mode de raisonnement mais bien à des
données éducatives, sociales et culturelles.
L'instruction est le mot clé de Condorcet. Dans
Mémoires sur l'instruction publique (790), il pose comme
principe : « le défaut d'instruction des femmes
introduit dans les familles une inégalité contraire à leur
bonheur »68(*). L'instruction est donc la voie d'accès
à l'égalité future.
Olympe de Gouges, dès 1791, emprunte la même voie
que Condorcet. Elle revendique l'égalité politique pour les
femmes au nom de la nature, donc des principes de la révolution69(*).
Olympe de Gouges élabore en la
« Déclaration des droits de la femme et de la
citoyenne » qui s'articule comme la Déclaration des
droits de l'homme70(*).
Elle lutte pour l'accès des femmes à la gestion de la chose
publique à côté de l'homme. Sa Déclaration est un
instrument pour atteindre ce but : « J'offre un moyen
invincible pour élever l'âme des femmes, c'est de les joindre
à tous les exercices de l'homme, si l'homme s'obstine à trouver
ce moyen impraticable, qu'il partage sa fortune avec la femme, non
à son caprice, mais par la sagesse des lois. Le préjugé
tombe, les moeurs s'épurent »71(*)
Cette révolutionnaire construit sa déclaration
en seize articles qui mettent en avant le rôle incontestable de la femme
dans la gestion de la cité. La femme doit bénéficier,
comme l'homme, de la protection de la loi. L'article I porte sur
l'égalité entre les sexes : « La femme
naît libre et demeure égale à l'homme en droits
»72(*).
L'article IV exige une réforme des lois pour rendre justice aux
femmes : « La liberté et la justice consistent
à rendre tout ce qui appartient à autrui, ainsi l'exercice des
droits naturels de la femme n'a de bornes que la tyrannie perpétuelle
que l'homme lui oppose : Ces bornes doivent être
réformées par les lois de la nature et de la raison.
». Seuls les vertus et les talents de la citoyenne ou du
citoyen doivent expliquer son accès aux places et aux emplois publics.
L'article XI rompt avec l'ordre ancien. Il aborde la liberté
d'expression des pensées et des opinions et proclame le droit de la
femme à faire connaître que l'enfant est aussi le sien.
« La libre communication des pensées et des opinions est
un des droits les plus précieux de la femme, puisque cette
liberté assure la légitimité des pères envers les
enfants. Toute citoyenne peut donc dire librement, je suis mère d'un
enfant qui vous appartient, sans qu'un préjugé barbare force
à dissimuler la vérité, ». Olympe de Gouges
revendique la participation de toutes les composantes de la
société à l'élaboration de la constitution. Elle
conclut sa déclaration en ces termes : « La constitution
est nulle, si la majorité des individus qui composent la nation, n'a pas
coopéré à la rédaction. »
Instruction, émancipation politique, volonté
d'inscrire la femme dans le processus révolutionnaire qui s'amorce sont
autant de thèmes majeurs que l'on retrouve dans la pensée de
Sankara et dans son programme politique.
1.2 LE MARXISME -
LÉNINISME
Toutefois notre démarche serait plus probante, si
l'analyse pouvait chercher des sources du côté de la biographie de
Sankara ou du côté de l'Histoire. En effet Sankara se situe
lui-même de façon explicite dans une pensée politique
marxiste- léniniste. En 1972, il adhère au Rassemblement des
officiers communistes (ROC). Il lit Marx, Lénine et Mao, auteurs qui
prônent la prise du pouvoir par les classes opprimées.
Sankara reconnaît ouvertement l'appartenance de sa
vision féministe au Marxisme-Léninisme. Il note à ce
propos « nous devons assurément au matérialisme
dialectique d'avoir projeté sur les problèmes de la condition
féminine la lumière la plus forte, celle qui nous permet de
cerner le problème de l'exploitation de la femme à
l'intérieur d'un système généralisé
d'exploitation »73(*). Sankara s'inspire explicitement de l'origine de
la famille, de la propriété privée et de l'Etat
(1884) de Engels. Il indique que « Engels a fait l'état de
l'évolution des techniques mais aussi de l'asservissement historique de
la femme qui naquit avec l'apparition de la propriété
privée, à la faveur du passage d'un mode de production à
un autre, d'une organisation à une autre »74(*). En effet , conscients que la
femme occupe une place vitale dans la société, Marx et Engels
inscrivent la libération de la femme comme une condition indispensable
au bonheur dans la cité. Selon eux, la femme se trouve dans une
situation inférieure à partir de l'avènement de la famille
patriarcale qui a imposé l'oppression de la femme. En effet, le droit
paternel s'est substitué à celui maternel confirmant ainsi la
suprématie effective de l'homme à la maison75(*). Cette oppression est
comparable à celle des classes avec l'émergence de l'Etat.
Dans l'Origine de la famille, de la propriété
privée et de l'Etat (Moscou, Progrès, 1976), Engels
précise : « A la famille patriarcale comme appareil
d'oppression des classes qui sont dominées et exploitées à
l'échelle de la société globale. La famille et
l'Etat sont le cadre de processus qui permettent à l'organisation
sociale de se perpétuer malgré les luttes et les oppositions qui
la déchirent et qui résultent d'une part, de
l'inégalité économique entre les classes de
producteurs »76(*). De cette comparaison, il ressort que la source de
toute inégalité est et reste la propriété
privée. Engels fait un parallèle étroit entre les femmes
et les classes dominées. Nécessairement la libération des
unes et des autres passe par l'abolition de la propriété
privée. Engels soutient ainsi que « l'oppression des
femmes et des classes dominées a comme fondement la
propriété privée née de la division du travail dans
la production sociale. Leur sort est donc lié, la libération des
femmes et des classes dominées passent par l'abolition des structures
économiques fondées sur la propriété
privée »77(*). D'autre part, la participation de la femme à
la production est une condition nécessaire à son
émancipation. De ce fait il faut qu'elle soit libérée de
manière significative du travail domestique perçu comme un
appoint négligeable au travail productif de l'homme78(*).. La femme en tant que
travailleuse est une citoyenne égale à l'homme.
L'émancipation a un lien avec la participation féminine à
la production sociale. Par conséquent, le travail ménager, jusque
là effectué par la femme, doit être libéré de
l'éducation et des soins des enfants, seule voie pour lui permettre de
mener une vie sexuelle libre. Toutes ces mesures remettent en cause la
prépondérance de l'homme et l'indissociabilité du mariage.
Le résultat serait l'amour libre, une « forme
supérieure de monogamie »79(*).
C'est ainsi que le Marxisme-Léninisme tente de
définir l'union libre et les relations sexuelles en régime
socialiste.80(*) De
nouveaux rapports entre l'homme et la femme doivent ainsi contribuer à
la suppression de la prostitution.
Marx et Engels offrent donc à Sankara un cadre
d'analyse théorique permettant d'asseoir sa propre étude de la
société africaine.
1.3 LES COLLABORATEURS DE
SANKARA
Aux sources bien identifiées, faudrait -il peut
être reconnaître l'influence de certains collaborateurs de Sankara
sur la pensée du leader. Des intellectuels, maîtres à
penser de la révolution burkinabé, ont certainement
prêté à Sankara leurs idées pour
l'élaboration de son programme politique. Parmi eux, Babou Paulin
Bamouni, idéologue du régime, Directeur Général de
la presse écrite du Burkina est l'auteur d'un ouvrage intitulé
Burkina Faso, Processus de la révolution,
« première interprétation politique et
marxiste des événements qui ont précédé de
loin ou de près le grand bouleversement du 4 août
1983 ». A Bamouni, peut se joindre Valère D. Somé,
un des plus proches compagnons de Thomas Sankara, principal leader de l'Union
des Luttes Communistes/ Reconstruite (U.L.C./R) ancien membre du bureau
politique du Conseil National de la Révolution. Ce dernier est l'auteur
de Thomas Sankara, l'Espoir assassiné. Dans le portrait qu'il
dresse du révolutionnaire, Valère Somé privilégie
l'image d'un Sankara, défenseur et porte-parole des opprimés.
C'est dire la symbiose étroite des analyses et des idées existant
entre les proches collaborateurs de Sankara et celui qui présidait
à la destinée des femmes du Burkina.
Sankara a-t-il tiré un enseignement du constat
d'échec énoncé par Mirabeau en pleine tourmente
révolutionnaire : « Tant que les femmes ne s'en
mêlent pas, il n'y pas de véritable
révolution » ?
Ainsi dans son contenu, le discours sankariste sur la
condition féminine tire ses sources des révolutions
passées et des textes fondamentaux qui fondent le
Marxisme-Léninisme. Toutefois Sankara imprime sa propre marque dans ses
analyses théoriques. Les conditions spécifiques de la femme
africaine ne sont pas celles de la femme du XVIIIe siècle en France ou
du XIXe russe. L'adaptation d'un cadre théorique à des
réalités historiques différentes est bien l'oeuvre de
Sankara.
CHAPITRE II
DISCOURS ET ÉCHO
MÉDIATIQUE
Convaincu que « personne n'est plus
profondément puni que l'homme du fait que la femme est maintenue dans
l'esclavage »81(*) ? Thomas Sankara
« conçoit l'émancipation de la femme comme un
préalable au développement de
l'Afrique ! »82(*). Le discours sankariste a une fonction
déterminante sur le plan politique, il a un rôle
pédagogique évident et cherche surtout à convaincre le
peuple burkinabé de la nécessité de libérer la
femme.
2.1. CONTEXTE HISTORIQUE
ET DISCOURS FÉMINISTE DE SANKARA
Le discours féministe du leader burkinabé
apparaît à des dates précises , en quelque sorte,
institutionnalisées. La ritualisation permet plus sûrement de
fixer l'attention sur un problème majeur, et celui de la condition des
femmes en est un pour le nouveau pouvoir révolutionnaire. Le 8 mars,
date de la célébration de la journée internationale de la
femme, constitue une opportunité importante. Thomas Sankara profite de
cette journée pour lancer une grande opération de mobilisation
des femmes voltaïques (Burkinabé) autour des idéaux de la
Révolution d'août83(*). L'un des discours les plus construits sur le plan
argumentaire de Sankara reste sans doute, celui qu'il fait le 8 mars 1987
à Ouagadougou, comme l'analyse Gakunzi84(*).
Une autre occasion de nature institutionnelle est la
commémoration de la date du 4 août qui marque l'avènement
de la révolution. Elle est un moment privilégié pour
prendre des engagements et déterminer les défis à relever.
En effet, à l'occasion du 4 août 1985, les femmes participent
massivement à la grande parade populaire. « La nouvelle
armée populaire accorde une place réelle à la
femme »85(*).
Sankara use de cette opportunité pour prendre une
mesure très radicale en faveur de la femme. « Nous ferons
en sorte que le salaire cesse d'être la seule propriété de
l'homme pour devenir une propriété
familiale »86(*). L'idée d'un salaire vital pour la femme au
foyer vient d'être posée comme un principe de base
socio-économique de la société révolutionnaire.
En septembre 1983, Thomas Sankara tient un meeting à
Dori. Il y développe largement sa pensée sur
l'émancipation de la femme. Mais, il faut attendre le 2 octobre 1983,
occasion ultime pour prononcer le Discours d'Orientation Politique (D.O.P). Le
DOP se veut une bible du révolutionnaire et réserve un passage
important à « La femme voltaïque, son rôle dans
la révolution démocratique et populaire »87(*). Le dimanche 15 juillet
1984, Thomas Sankara rencontre les femmes à la maison du peuple pour les
convier à s'organiser en vue de leur libération. A l'occasion de
la semaine nationale de la femme du 1er au 8 mars 1985, Thomas
Sankara, lors d'un entretien, fait une description comparative de la femme
réactionnaire et celle révolutionnaire88(*).
Toutes ces grandes messes révolutionnaires, ces
fêtes et ces commémorations permettent au président
Sankara de porter son message aux confins du Faso. Le leader
révolutionnaire aime la communication directe avec le peuple. Cela a
l'avantage, selon lui, de favoriser une forte mobilisation. C'est ainsi
qu'à deux reprises, il rencontre directement les femmes de toutes
provinces à Ouagadougou : le 15 juillet 1984 et le 8 mars 1987. Il
devient, par ce biais, le « capitaine peuple »
2.2. ÉCHO
MÉDIATIQUE
La radio, la télévision et la
presse écrite, notamment Sidwaya et Carrefour africain,
propriétés de l'Etat se chargent de populariser les discours du
président Sankara. En plus de la transmission brute des messages de
Sankara, ces médias se proposent d'expliciter son discours politique
pour une meilleure compréhension. Ils deviennent, par conséquent,
des organes d'information, de formation et de propagande. Ils transmettent
l'idéologie révolutionnaire jusqu'au dernier hameau du Burkina.
La presse devient idéologique et concourt à la
régénération de la société burkinabé.
Elle participe de la révolution, en reprenant les mots clés du
discours sankariste et en les commentant assidûment :
liberté, égalité, justice sociale, dignité.
Les titres de la presse écrite mettent en valeur
l'engagement du discours présidentiel en faveur de la femme. Sur la
rencontre du dimanche 15 juillet 1984 à la maison du peuple, Salia Zerbo
titre dans Sidwaya : « Le chef de l'Etat rencontre
les femmes : l'appel à la liberté »89(*). Le terme
« Appel » fait référence au discours
comme moyen d'action, comme levier important du changement socio-politique. Si
le discours exhorte, le discours définit aussi une ligne politique
précise. Véritable chambre d'écho du discours sankariste,
les colonnes des organes de presse s'ouvrent au militantisme et à la
propagande. Dès le 23 septembre 1983, Béatrice Damiba reprend les
propos du secrétaire général national des CDR, Pierre
Ouédraogo, dans l'hebdomadaire Carrefour Africain.
« La révolution ne distingue pas l'homme de la femme, pas
de ``discrimination sexiste '' à l'encontre de la femme
». Béatrice Damiba dans son commentaire soutient que
« donner le pouvoir au peuple, c'est le donner aux femmes,
libérer le peuple c'est libérer la
femme »90(*). Salia Zerbo rapporte la pensée de Thomas
Sankara, « le profite de la femme révolutionnaire, selon
le camarade président, bénéficie à celle qui fait
bonne toilette, qui est coquette, belle, militante de la RDP. La bonne toilette
se fera avec des moyens modestes »91(*).
Luc Adolphe Tiao note un progrès significatif dans le
combat féministe du CNR. « Aujourd'hui partout en
Haute-Volta les slogans ponctués par les CDR :
« A bas les femmes budgétivores » -
« à bas les femmes et les hommes
réactionnaires » « à bas les maris
féodaux », commencent à avoir un impact réel sur
la société »92(*). Le quotidien Sidwaya n° 326 du lundi
5 août 1985, spécial deuxième anniversaire de la RDP,
conçu sous forme de magazine montre la volonté du régime
de secouer les bonnes consciences. Dès la une, on lit
« grande parade populaire du 4 août les femmes ont
été magnifiques ! », « la
nouvelle armée populaire accorde une place réelle à
la femme »93(*). A la page 5, une banderole présente :
« Association des servantes du Christ »
« le peuple qui lutte réussira mais les paresseux restent
dominés. La Bible ». Cette inscription assimile
la mission du CNR à la mission salvatrice du Christ. La presse
contribue largement à diffuser les mots d'ordre du régime. Elle
incite à l'adoption de dispositions particulières
destinées à favoriser l'augmentation du taux de scolarisation,
l'alphabétisation des femmes et leur niveau d'instruction. Elle doit
également oeuvrer dans le domaine de la santé et promouvoir les
structures de rassemblement des femmes et les crèches et les garderie
populaires en milieu rural pour favoriser leur participation, non seulement
à la production mais aussi à l'ensemble des activités
socioculturelles. Diffuser plus largement l'information, par l'usage des
technologies modernes qui permettent de produire plus, tout en libérant
la force humaine, relève du ressort de la presse.
La présence du problème de la condition
féminine est donc indéniable dans le discours de Sankara. Le
discours est conçu comme un moment important de la rencontre de Sankara
avec les femmes. Béatrice Damiba dans Carrefour Africain parle
d'un « face à face de la
vérité »94(*). Cette expérience traduit bien le rapport
existant entre le tribun politique et son public. Mettre ce rapport sous
l'égide de la vérité confère une dimension
incontestable à l'analyse politique proposée par Sankara.
Servi par une presse de propagande politique, le discours
féministe de Sankara cherche à déterminer une image
positive de la femme en tant qu'agent dynamique et créatif du
développement économique et social.
TROISIEME PARTIE
L'ARGUMENTATION SANKARISTE
CHAPITRE I.
LES MODALITÉS DE
L'ARGUMENTATION
Le discours féministe de Sankara vise à
convaincre, à persuader son public, à modifier son opinion. Comme
le pose Charles. Perelman, dans son ouvrage. L'Empire rhétorique,
rhétorique et argumentation 95(*), il existe une différence fondamentale entre
une démonstration et une argumentation. « Dans une
démonstration mathématique, les axiomes ne sont pas en discussion
; qu'on les considère comme évidents, comme vrais ou comme de
simples hypothèses on ne se préoccupe guère de savoir
s'ils sont ou non acceptés par l'auditoire ». La
démonstration est considérée comme formellement correcte,
lorsqu'elle est conforme à des règles explicitées. La
déduction qui permet de passer des prémisses aux
conséquences joue un rôle déterminant dans la
démonstration. En revanche l'argumentation, selon Charles. Perelman,
cherche à « provoquer ou accroître l'adhésion
d'un auditoire aux thèses qu'on présente à son
assentiment. »
Le discours sankariste prétend, par l'argumentation qui
le fonde, à la fois « gagner l'adhésion des
esprits » et « inciter à
l'action ».C'est dire que Sankara reconnaît les vertus du
discours argumentatif. Saint Augustin, au chapitre 13 du livre 4 de son ouvrage
De la Doctrine chrétienne, analyse les ressorts profonds de ce
type de discours :
« L'auditoire ne sera vraiment persuadé
que s'il est conduit par vos promesses et effrayé par vos menaces, s'il
rejette ce que vous condamnez et embrasse ce que vous recommandez ; s'il se
lamente devant ce que vous présentez comme lamentable ; s'il s'apitoie
devant ceux que vous présentez comme dignes de pitié et
s'écarte de ceux que vous lui présentez comme des hommes à
craindre et à éviter »96(*).
Le but d'une argumentation n'est pas de prouver la
vérité d'une conclusion à partir de prémisses, mais
comme l'analyse finement Perelman « de transférer sur les
conclusions l'adhésion accordée aux
prémisses ». Une argumentation se fonde sur des
techniques argumentatives diverses qui peuvent se situer soit au niveau du
raisonnement soit à celui des arguments proposés.
1.1 LES HABILETÉS
RHÉTORIQUES
Théoriquement, le raisonnement prend la forme suivante
: thèse antérieure---> prémisses--->
arguments---> conclusion---> nouvelle thèse. Thomas Sankara ne
s'adapte pas à ce schéma. Il supprime certaines étapes ou
les sous-entend ou même les inverse. Il utilise le plus souvent le
syllogisme. Le syllogisme se présente comme de degré zéro
de la structure argumentative. Il ne retient que les prémisses et la
conclusion.
Voici quelques syllogismes dans le discours Sankariste.
« Notre révolution intéresse tous les
opprimés, tous ceux qui sont exploités dans la
société actuelle (prémisse majeure : affirmation d'ordre
général). Elle intéresse par conséquent la femme
(conclusion), car le fondement de sa domination par l'homme se trouve dans le
système d'organisation de la vie politique et économique de la
société (prémisse mineure) »97(*) Sankara construit son
raisonnement par des syllogismes tronqués : « Les femmes
et les hommes de notre société sont tous victimes de l'oppression
et de la domination impérialiste (majeure) (mineure : Or seul le combat
unitaire libère = sous-entendu). C'est pourquoi ils mènent le
même combat (conclusion) »98(*). Il persévère dans l'usage des
syllogismes tronqués : « La première
timidité de l'homme lui vient dès le moment où il a
conscience qu'il regarde une femme (majeure)....je reste quand même un
homme qui regarde en chacune de vous la mère, la soeur ou
l'épouse (mineure) »99(*). La conclusion, qui serait « donc, je
suis frappé par la timidité » est
sous-entendue.
Les syllogismes tronqués tendent vers la forme des
enthymèmes comme « je pense, donc je
suis » de Descartes. En effet, l'orateur n'est pas un logicien.
Il peut se permettre de ne pas énumérer tous les chaînons
de son raisonnement. Sankara, ainsi laisse sous-entendues des prémisses
qu'il considère comme admises ou connues de tous. Aristote
présentait, dans son ouvrage Rhétorique,
l'enthymème comme un syllogisme rhétorique100(*) Un enthymème permet
une simplification du langage, Il facilite l'assimilation du message par
l'auditoire. C'est une forme raccourcie du raisonnement qui présente des
éléments généraux qu'on avance, mais qu'on ne
démontre pas. Par cette technique, Sankara se met à l'abri de
toute contestation, ce qui est d'une grande habileté
rhétorique.
L'argumentation, à l'encontre de la
démonstration ne se développe pas dans un système
défini. Elle puise dans un corps d'arguments que la thèse
défendue n'implique pas nécessairement. Les arguments sont, sur
le plan rhétorique, plus ou moins forts selon leur
spécificité. Il existe une série d'arguments qui ne se
rapprochent pas de la pensée formelle, de nature logique ou
mathématique et qui font appel à ce que Charles Perelman appelle
« la structure du réel ». Ces arguments se
fondent sur les liaisons qui existent entre les éléments du
« réel »101(*) qu'il s'agisse du rapport de causalité, de
raisonnement par le modèle ou l'exemple, et de l'argument
d'autorité.
L'argument de l'efficacité consiste à
recommander une mesure ou une décision en se fondant sur les
conséquences favorables ou défavorables qu'elles
entraîneraient. L'utilité du raisonnement par les
conséquences semble si bien aller de soi qu'il n'a pas besoin
d'être justifié. L'expérience que s'accorde dans ses
discours Sankara, lui permet d'anticiper sur les conséquences. Ainsi
pour Sankara, participer à la révolution est une
évidence, puisqu'il pose comme conséquence la transformation
positive de la société. Le résultat attendu est
« une société qui non seulement détermine de
nouveaux rapports sociaux mais provoque une mutation culturelle en
bouleversant les relations de pouvoir entre hommes et femmes, et en .
condamnant l'un et l'autre à repenser la nature de
chacun. »102(*) Sankara met en valeur l'existence d'une
corrélation entre la révolution culturelle et la
nécessaire libération de la femme. C'est selon lui, effectivement
l'une des conséquences attendues de la révolution que
de « créer une nouvelle mentalité chez la femme
voltaïque qui lui permette d'assumer le destin du pays aux
côtés de l'homme ».
La volonté du tribun est de faire apprécier la
révolution par la détermination de ses effets qu'il
considère comme positifs. Poser l'acte révolutionnaire
s'accompagne dans le discours sankariste par l'énoncé d'un
résultat quantitatif précis. Il ne peut s'agir dans le cadre de
cette recherche de multiplier les exemples. En effet l'argument de
l'efficacité est majeur dans le discours sankariste puisque
l'argumentation cherche à montrer au peuple burkinabé le monde
meilleur qui l'attend grâce à la révolution.
L'argumentation par l'exemple est assez fréquente chez
Sankara. Pour sortir d'un développement abstrait, il utilise des
illustrations qui permettent d'examiner un fait de manière plus
concrète, plus précise. Ce sont des preuves qui servent de
fondement à une règle ou à un principe. « Il
s'agit bien d'une argumentation visant à passer du cas particulier vers
une généralisation. »103(*)
A propos du cynisme de l'homme à l'endroit de la femme,
Sankara l'exprime par une série d'exemples :
« c'était le cas, rapporte-t-on, chez ce fabricant de
l'époque, qui n'employait que des femmes à ses métiers
à tisser mécaniques. Il donnait la préférence aux
femmes mariées et parmi elles, à celles qui avaient à la
maison de la famille à entretenir, parce qu'elles montraient beaucoup
plus d'attention et de docilité que les
célibataires »104(*). Le président du CNR
énumère les souffrances de la femme dans la société
traditionnelle ou moderne : « Le poids des traditions
séculaires de notre société voue la femme au rang de
bête de somme. Tous les fléaux de la société
néo-coloniale, la femme les subit doublement : premièrement, elle
connaît les mêmes souffrances que l'homme ; deuxièmement,
elle subit de la part de l'homme d'autres souffrances. »105(*) L'argumentation par
l'exemple permet de dénoncer avec plus d'évidence le joug qui
pèse sur les femmes.
« Déjà aux quatre fronts du combat
contre la maladie, la faim, le dénuement, la
dégénérescence, nos soeurs subissent chaque jour la
pression des changements sur lesquels elles n'ont point de prise. Lorsque
chacun de nos 800 000 émigrants mâles s'en va, une femme assume un
surcroît de travail. Ainsi, les deux millions de Burkinabé
résidant hors du territoire national ont contribué à
aggraver le déséquilibre du sex-ratio qui, aujourd'hui, fait que
les femmes constituent 51,7% de la population totale. De la population
résidente potentiellement active, elles sont
52,1% »106(*)
Tous ces exemples paraissent incontestables,
« car c'est la réalité de ce qui est
évoqué qui sert de fondement à la
conclusion »107(*). Pour ne pas généraliser
indûment, Sankara part d'exemples suffisamment variés. Les
exemples portent en particulier sur la situation politique, sociale,
économique de la femme. Traitant de la division du travail qui
dévalorise la fonction de la femme, Sankara rejette la règle de
manière souple. Il utilise de façon habile des exemples
exprimés à la forme interro-négative, ce qui pousse
l'auditoire à réviser ses positions et à oser le
changement. « Occupation sans rémunération bien
sûr car ne dit-on pas généralement d'une femme à la
maison qu'elle « ne fait rien ? » N'inscrit-on pas sur les
documents d'identité des femmes non rémunérées la
mention « ménagère » pour dire que celles-ci
n'ont pas d'emploi ? Qu'elles « ne travaillent pas
? »108(*). Ces exemples formulés sous forme de
questions rhétoriques laissent les interlocuteurs face à leur
propre conscience. Ils ont une force de persuasion par le fait même
qu'ils ne peuvent pas être remis en cause.
Pour donner plus de force à ses idées, le
président Sankara utilise des arguments d'autorité. Les
autorités invoquées sont variables et coïncident avec celles
soulignées par Perelman : « l'opinion
commune », « les savants », « les
philosophes », les « pères de l'Eglise »,
« les prophètes » ; Les autorités
impersonnelles comme « la physique »,
« la doctrine », « la religion »,
« la bible » ; et les autorités
nommément désignées109(*)
Lorsque Sankara s'affiche comme marxiste-léniniste , il
légitime son propos en puisant des références
précises dans les oeuvres de Marx ou d'Engels. La force de
l'argumentation tire de l'autorité dûment citée, un appui
très important.
De la même façon que Sankara met en valeur
l'autorité marxiste-léniniste qui s'accorde avec la thèse
exposée, il dévalue l'autorité qui sous tend la
thèse de l'adversaire. Les ennemis de la révolution, bourgeois et
féodaux ne se cachent-ils pas derrière les philosophes antiques
et les religions établies ? Sankara les dénonce avec virulence :
« Détrônée par la
propriété privée, expulsée d'elle-même,
ravalée au rang de nourrice et de servante, rendue inessentielle par les
philosophies (Aristote, Pythagore et autres) et les religions les plus
installées, dévalorisée par les mythes, la femme
partageait le sort de l'esclave qui dans la société esclavagiste
n'était qu'une bête de somme à face
humaine »110(*)
Le discours politique de Sankara est donc un discours
construit. Il est fondé sur une structure argumentative non
dépourvue d'habiletés rhétoriques. Affirmer sans prouver
par l'intermédiaire de syllogismes tronqués, établir des
relations de causalité sans pour autant les justifier, légitimer
un programme politique nouveau en faisant référence à des
autorités incontestées du passé, sont autant de techniques
argumentative qui servent d'outils à l'expression d'une volonté
politique, celle d'imposer un changement profond socio-politique.
1.2 LES ARGUMENTS.
Dans ses discours Thomas Sankara fait usage de multiples
arguments d'ordre socioculturel, idéologique et politique
1.2.1. Les arguments
socioculturels
Le président du CNR tient à définir son
propos avant de faire l'état des lieux et de proposer des solutions.
Si la libération de la femme s'impose comme
« une exigence du futur », Sankara précise
que l'émancipation n'est pas une égalité mécanique
entre l'homme et la femme. Elle s'oppose à l'adoption d'habitudes
masculines comme celle de boire et fumer. L'acquisition de diplômes par
les femmes ne les conduit pas automatiquement au faîte de
l'émancipation111(*) Le véritable émancipation est celle
qui rend la femme digne, responsable et actrice d'un changement qualitatif
social. Parler de guerre de sexes, selon Sankara, dénote d'une mauvaise
interprétation du féminisme. « (...) il s'agit
d'une guerre de clans et de classes à mener ensemble dans la
complémentarité »112(*), affirme -t-il. Seul le
comportement des hommes a provoqué ce contre
sens :« (...) il faut admettre que c'est bien l'attitude des
hommes qui rend possible une telle oblitération des significations et
autorise par-là toutes les audaces sémantiques du
féminisme (...) 113(*)».
Sankara est amené à affirmer que les mots ne
sont pas innocents, qu'ils traduisent une mentalité, un état
d'esprit. La lutte des femmes contre le machisme se veut un juste combat. La
situation lamentable que connaissent les femmes dans la société,
est inhérente à la prise du pouvoir par les hommes. Le machisme a
fait de la femme un être à tout faire. La femme constitue un tiers
monde brimé à côté de l'homme et de l'enfant.
Occupant le troisième rang dans la société, la femme est
exclue par les lois dans les domaines de l'emploi, de la liberté
individuelle et de l'éducation. Elle subit l'exploitation de classes et
celle de sexes. Selon Sankara, l'homme, le souverain et le maître,
égoïste et paresseux, s'illustre en fin stratège pour
s'accaparer du plus grand profit, sans le moindre effort, dans la division des
tâches selon le sexe. Sankara condamne la théologie et la
philosophie pour leurs préjugés anti-féministes. En effet,
la genèse ne refuse-t-elle pas une essence à la femme ? La femme
contrairement à l'homme, n'est pas à l'image de Dieu. Quant
à Platon, il doute du genre de la femme : animal ou humain. Aristote est
clair dans son affirmation, les femmes sont des
« monstres ». Le leader de la révolution
burkinabé s'oppose à ces penseurs et reconnaît une
humanité à la femme. Il déplore le type d'éducation
dispensée à la fille qui fait d'elle une éternelle
esclave. « A la futur femme, la société, comme un
seul homme et c'est bien là le lieu de le dire assène, inculque
des normes sans issue. Des corsets psychiques appelés vertus
créent en elle un esprit d'aliénation personnelle,
développent dans cette enfant la préoccupation et la
prédisposition aux alliances. »114(*) Les pratiques
traditionnelles contribuent à consolider cette situation :
« Les rites et les obligations de soumission aidant, nos soeurs
grandissent, de plus en plus exploitées (...) »115(*). Sankara soutient que
les défauts qui sont dans les femmes viennent de l'éducation : un
conditionnement à la soumission, à la dépendance
éternelle. Malgré l'importance de la femme dans la
société, elle est réifiée :
« femme-source de vie mais femme-objet.
Mère mais servile domestique. Femme nourricière mais femme-alibi.
Taillable aux champs et corvéable au ménage, cependant figurante
sans visage et sans voix. Femme-charnière, femme-confluent mais femme en
chaîne, femme-ombre à l'ombre
masculine. »116(*)
Dans ce discours d'un balancement rythmique exemplaire
épousant l'antithèse, Sankara oppose deux réalités,
la femme essentielle au bon fonctionnement de la société dans son
rôle de reproductrice, de pivot central dans la structure sociale et la
femme niée, chosifiée, rendue à l'état d'ombre. Le
caractère poétique de ces créations de mots autour du
terme femme, tels que femme source de vie, femme-alibi, femme-charnière,
femme-ombre ne saurait recouvrir d'un voile pudique la dénonciation
politique faite par Sankara.
La femme ne dispose même pas de son corps. Contrainte
par la maternité et par les formes esthétiques, la femme est
incapable de se réaliser et de se « forger une musculature
dite d'homme »117(*). Sankara doute de l'intérêt des
canons de coquetterie que la société impose aux femmes. C'est le
cas de l'excision, des scarifications, des taillages de dents, des perforations
de lèvres qui portent préjudice à
l'intégrité physique de celle-ci.
La femme subit durement l'oppression des traditions. La
fille-mère est méprisée. La femme stérile est
accusée. L'excision fait des ravages. La femme est victime de
l'émigration masculine qui la tient dans la solitude, si
ce n'est dans le célibat.
Sankara, dans un même élan, condamne l'homme,
plus ou moins progressiste, qui s'adonne à l'adultère en
fréquentant des prostituées. Son salaire est destiné
à l'entretien de ses maîtresses. Il est heureux d'avoir
abusé des femmes et tient des propos dévalorisant sur elles :
« bassement matérialistes, menteuses, cancanières,
intrigantes, jalouses. »118(*)
Selon le leader révolutionnaire, à
l'inconséquence masculine la femme répond par une autre
aliénation faite d'infidélités et de propos mesquins.
« Les reportages, les papotages, les jeux de ferrailles, les
regards obliques et envieux suivis de médisance sur la coquetterie des
autres et leur vie privée »119(*) Elles se plongent dans la
futilité et l'oubli qui apparaissent comme des armes contre une
souffrance multiforme. L'oubli devient un « antidote à la
peine, une atténuation des rigueurs de l'existence, une protection
vitale »120(*)
Sankara précise : « Les mêmes attitudes se
retrouvent chez les mâles placés dans les mêmes
conditions »121(*) c'est dire que les mêmes causes entraineraient
les mêmes effets. Il ne s'agit donc pas de nature féminine, mais
bien d'un déterminisme social qui mène la femme à adopter
certaines attitudes.
Sankara appelle à l'instauration d'une
société nouvelle dans laquelle les hommes et les femmes jouiront
des mêmes droits sociaux. « Modifier en profondeur l'image
qu'ils se font d'eux-mêmes » doit être la voie pour
définir les nouveaux rapports entre les hommes et les femmes. Le
triomphe du règne de la liberté et de l'égalité, la
fin de « tous les systèmes d'hypocrisie qui consolident
l'exploitation cynique de la femme »122(*), l'abolition du
système d'esclavage que subit la femme ne peuvent être atteints
sans le bouleversement des relations de pouvoir entre l'homme et la femme.
Conscient que les femmes constituent 52% de la population, Thomas Sankara
soupire : « que jamais mes yeux ne voient une
société, que jamais mes pas ne me transportent dans une
société où la moitié du peuple est maintenue dans
le silence »123(*).
Il constate néanmoins que la transformation des
mentalités est en marche. Les femmes ont adopté un nouveau
langage et dénoncent leurs ennemis : le mâle, la culture
impérialiste et la féodalité. Elles sont
« prêtes maintenant à se
libérer »124(*) et affûtent leurs armes pour le combat
décisif.
1.2.2 Les arguments
idéologiques.
La lutte des classes est inséparable de la question de
la femme. La pensée sankariste a pour fondement le matérialisme
dialectique. L'exploitation de la femme s'intègre dans un système
d'exploitation généralisé qui dépend de la
structure économique de la société. Le passage d'une forme
de société à une autre, justifie l'institutionnalisation
de l'inégalité de statut entre l'homme et la femme. Deux
périodes caractérisent cette évolution :
l'époque allant du paléolithique à l'âge du bronze a
connu une complémentarité positive dans les relations
entre les sexes.
L'époque historique avec l'évolution des
techniques voit l'apparition de la propriété privée qui
entraîne l'asservissement de la femme. Sankara fait un rapport explicite
entre la condition féminine et la lutte des classes :
« De fait, à travers les âges et partout où
triomphait le patriarcat, il y a eu un parallélisme étroit entre
l'exploitation des classes et la domination des femmes
(...) »125(*).
Le combat pour l'émancipation de la femme est inséparable de
la lutte des classes. « On ne saurait jeter assez de
lumière vive sur la misère des femmes, démontrer avec
assez de force qu'elle est solidaire de celle des
prolétaires »126(*). Pour Engels, il existe un lien étroit entre
l'oppression des femmes et celle des classes dominées. Elle a comme
fondement la propriété privée, née de la division
du travail dans la production sociale. Libérer les femmes et les classes
dominées est une lutte qui passe par l'abolition des structures
économiques fondées sur la propriété
privée127(*).
Sankara invite donc les femmes à coopérer avec les
marginalisés du système capitaliste : les ouvriers, les paysans.
L'impérialisme est mis en cause dans le misère des femmes :
les multinationales, immorales, encouragent la culture de la mort128(*). Le Président du CNR
invite l'Union des Femmes du Burkina (UFB) à mener une lutte
anti-impérialiste. Elle doit « participer pleinement
à la lutte des classes aux côtés des masses
populaires »129(*) Seule une détermination franche peut
permettre « la liquidation des races des exploiteurs, de la
domination économique, de l'impérialisme »130(*). Cette même lutte
peut mettre fin à la conception féodale fondée sur
« la relation d'appropriation qui veut que chaque femme soit la
propriété d'un homme. »131(*)
1.2.3 Les arguments
politiques
Thomas Sankara désigne clairement les ennemis des
femmes et de la révolution sur le plan politique : ce sont les anciennes
puissances coloniales et leurs « valets locaux. »
Il note : « l'euphorie de l'indépendance à oublier
la femme dans le lit des espoirs châtrés.
Ségréguée dans les délibérations, absente
des décisions, vulnérable donc victime de choix, elle a
continué de subir la famille et la société. Le capital et
la bureaucratie ont été de la partie pour maintenir la femme
subjuguée. »132(*) Les anciens régimes sont responsables de la
situation alarmante de la femme. Pendant la période coloniale, la femme
a subi le travail forcé, elle était soumise à l'obligation
des cultures de rente. Les régimes néo-coloniaux, selon Sankara,
ont développé un féminisme primaire qui n'a profité
qu'à une minorité de femmes. A leurs yeux, la femme se
présente comme un objet de décoration. « Les femmes
chez nous, étaient, avec les anciens régimes, organisées
en groupes folkloriques. Elles cousaient des uniformes, chantaient, dansaient,
mais réellement ne savaient où aller. »133(*) Cela correspond
à la pensée de Kant qui définit la femme comme penchant ou
inclination, incapable d'un sens du devoir : « la philosophie de
la femme n'est pas de raisonner mais de sentir. (...) Devoir et contrainte lui
sont étrangers (...) Elle est incapable d'obéir à des
principes. »134(*)
Les autorités néo-coloniales ont
créé un ministère de la condition féminine. Ce
ministère-alibi, selon Sankara n'a eu aucun effet sur l'évolution
de la situation des femmes. Cette politique a contribué à
construire une fausse émancipation de la femme :
« femme-bijou, femme-alibi au gouvernement, femme-sirène aux
élections. »
La révolution se donne donc pour mission
d'éduquer les femmes car les défauts qui sont dans les femmes
viennent de l'éducation. Cet encadrement facilite la mobilisation des
femmes par la base.
La situation de tous les opprimés, y compris la femme,
constitue une préoccupation majeure des autorités
révolutionnaires. La RDP s'engage à instaurer un ordre social
nouveau. Elle combat avec la dernière énergie l'obscurantisme, le
néocolonialisme et l'impérialisme. Elle oeuvre inlassablement,
à la transformation des mentalités et des comportements.
L'objectif est de rendre les femmes responsables, capables de prendre des
décisions qui puissent donner naissance à une
société libre et prospère dans laquelle les femmes et les
hommes seraient égaux. En somme, « permettre à la
femme voltaïque de se réaliser pleinement et
entièrement »135(*) Cela passe par l'éveil de la conscience
des femmes qui entraîne une véritable libération.
« (...) seule la femme enfin libre saura dire ce qu'elle
veut », affirme John Stuart Mill. Les femmes sont les
partenaires naturels d'une révolution, qui travaillera à porter
celles-ci au coeur de l'essor familial et au centre de la solidarité
nationale. La RDP définit et affirme davantage le rôle et la
place de la femme dans la société. Au sein de l'UFB, les femmes
sont toujours de plus en plus responsabilisées et une image positive en
leur faveur s'impose progressivement. La révolution compte mettre sur
pied un plan d'action qui répondra aux attentes des femmes dans tous
les domaines. Ce programme vise à impliquer les femmes dans les combats
révolutionnaires : il donne la même chance au garçon
et à la fille sur le plan scolaire. Tous les Burkinabé
doivent-ils pas avoir le droit à la même formation et aux
mêmes fonctions ? Les révolutionnaires cherchent à
faire coïncider les intérêts de la nation avec la
liberté de la femme, reflet d'une société juste, comme
l'avait prôné les femmes progressistes de la révolution
française.136(*)
Accroître le taux d'alphabétisation en faveur des
femmes reste le souci permanent de Sankara. Pour libérer
véritablement la femme, des crèches, des garderies populaires et
des cantines seront construites. L'UFB ( l'Union des Femmes du Burkina) est une
école où la solidarité, l'unité et l'organisation
sont de rigueur. Elle doit assumer un rôle politique destiné
à instaurer une démocratie sociale.
En somme, Sankara sait impressionner son auditoire grâce
à une démarche argumentative intelligemment
élaborée.
CHAPITRE II :
LE DISCOURS
FÉMINISTE.
Lorsque Sankara promet à ceux qui s'opposent à
l'émancipation féminine « d'être
écrasés », son discours même prend des
allures de combat. Comme le définit si bien Monica Charlot, dans La
Persuasion politique, l'affrontement des thèses politiques est
destiné à dévaloriser l'adversaire et à conforter
l'image ou la thèse défendue : « Attaquer et mettre
l'adversaire en contradiction avec lui-même et avec les siens ; mettre la
propagande de l'adversaire en contradiction avec les faits, ridiculiser
l'adversaire ; faire prédominer un climat de
supériorité. »137(*) Puisqu'il s'agit de défendre la cause
des femmes en lui attirant la sympathie du peuple burkinabé, Sankara va
construire une image spécifique de la femme à l'intérieur
de ses discours, une représentation précise sur la base d'un
vocabulaire engagé.
2.1. L'IMAGE DE LA FEMME
DANS LE DISCOURS SANKARISTE.
La femme est omniprésente dans le discours du 8 mars
1987 intitulé « la libération de la femme, une
exigence du futur ».138(*) Sankara ponctue son texte du mot femme : il emploie
309 fois le mot femme(s). Cela représente 10,76% du total des
substantifs utilisés (2870). Le mot homme(s) revient seulement 111 fois
(3,86%). Pour éviter une extrême redondance dans l'emploi du mot
femme(s) et pouvoir du même coup s'y référer, Sankara fait
usage de mots de la même famille, évoquant une personne de ce
sexe. Ainsi des mots comme « féminin »,
« féminisme »,
« féministe »,
« épouse », de « compagne »
reviennent 73 fois dans ce discours du 8 mars 1987. A cela s'ajoutent les
pronoms qui se substituent au nom « femme (s) »
tels que « elle (s) » (51 fois ) et
« vous » (45 fois).
L'ampleur de ces emplois et leur régularité
traduit bien l'importance du thème dans le discours. Mais ce mot femme
n'est pas employé isolément : il se construit dans les phrases
à l'aide de qualifications. Il entre dans des réseaux lexicaux
d'opposition et d'association. Il est utile dans notre recherche, de fonder
l'analyse de l'image de la femme créée par Sankara sur des
repérages sémantiques.
En effet, le mot femme s'accompagne de qualificatifs nombreux,
il entre dans un couple antinomique homme-femme, il s'est supporté par
un ensemble de métaphores de diverses origines. Ainsi, il est possible,
à partir de cette enquête au niveau des emplois du mot dans le
discours sankariste, de relever des images différentes de la femme dont
Sankara tire argument : l'image de la femme victime et celle de la femme
coupable. Toutefois ces deux constructions ne seraient que partielles,
incapables de rendre compte de ce que Sankara appelle « la
complexité » de la femme, si le tribun ne se
chargeait de faire un portrait positif de la femme à l'image d'une
révolution culturelle qu'il défend.
2.1.1. La femme victime
La femme subit un système injuste que cherche à
démontrer Sankara. Pour permettre à son auditoire de visualiser
cet état de soumission, le leader use de métaphores nombreuses.
La plus caractéristique reste celle de l'animal destiné aux plus
durs travaux. Dans son discours du 8 mars 1987, il emploie cette
métaphore aux fins de mieux convaincre : « Le poids des
traditions séculaires de notre société voue la femme au
rang de bête de somme »139(*) La femme est assimilée à une
« bête de somme » c'est-à-dire à
un animal employé à porter des fardeaux. Cette figure de la
ressemblance que constitue la métaphore établit une relation de
similitude et confère une portée illimitée du
message.140(*)
Par un système de réseaux d'associations et de
qualifications, Thomas Sankara arrive à montrer la lourdeur du joug qui
pèse sur la femme. Dans le discours du 8 mars 1987, les femmes sont
associées ou même assimilées à
« l'ouvrier », aux
« prolétaires », à une
« bête de somme », à des
« biens vulgaires », à un
« objet de tractation »141(*) «
à un instrument diabolicum. »
Cette manière d'identifier la femme conduit à
son « ostracisme »142(*) dans la
société. Elle devient par conséquent un être second
« subjugué »,
« discriminé »,
« frustré » et
« congédié » assumant des
« fonctions subalternes ». Sankara précise
que cet être « taillable aux champs et corvéable au
ménage »143(*) est aussi victime de la malnutrition, de la
mortalité et de l'analphabétisme. Des accumulations hyperboliques
contribuent à représenter cette situation. Ainsi, Sankara,
affirme-t-il à propos de la femme : « Pilier du bien
être familial, elle est accoucheuse, laveuse, balayeuse,
cuisinière, ménagère, matrone, cultivatrice,
guérisseuse, maraîchère, pileuse, vendeuse,
ouvrière. »144(*)La succession de ces termes crée un effet
d'entassement, à la mesure de l'ampleur des tâches dévolues
à la femme dans la structure sociale; et ce, en contradiction avec le
mépris dans lequel elle est reléguée. Le même
procédé se retrouve autour de la métaphore de la roue,
utilisée avec talent par Sankara. « Roue de fortune, roue
de friction, roue motrice, roue de secours, grande
roue. »145(*) Cette répétition anaphorique contribue
à forger l'image d'une femme essentielle à la
société, mais victime des préjugés. La femme est
dominée, exploitée, opprimée et rendue esclave de la
société entière. Pour l'exprimer, les termes
« domination »,
« exploitation »,
« oppression » et
« esclave » et leurs dérivés sont
employés de façon régulière (69 fois dans le seul
discours du 8 mars 1987 )
Dans cette construction de l'image de la femme victime,
Sankara privilégie le rapport antithétique du couple homme-femme.
« Ainsi, à travers les âges et à travers les
types de sociétés, la femme a connu un triste sort :
celui de l'inégalité toujours confirmée par rapport
à l'homme. »146(*)
Dans la vision Sankariste, l'époque historique, depuis
l'apparition de la propriété privée à nos jours,
est marquée par l'asservissement de la femme. Pour ce qui concerne la
société féodale, le tribun révolutionnaire, par une
hyperbole traduit l'exploitation de la femme : « dans la
société se basant sur la prétendue faiblesse physique ou
psychologique des femmes, les hommes les ont confirmés dans une
dépendance absolue de l'homme. »147(*) L'adjectif
« absolue » dénote d'une absence totale de
liberté féminine. Pour Sankara, les femmes constituent au Burkina
Faso et ailleurs une majorité silencieuse, exclue du pouvoir et du
savoir. Devant l'Assemblée générale des Nations Unis en
1984, il proclame : « je parle au nom des femmes du monde entier,
qui souffrent d'un système d'exploitation imposé par les
mâles. »148(*) Il faut noter que le couple antinomique homme-femme
se transforme en mâle-femme, ce qui implique dans le discours une
volonté d'user de terme péjoratif pour qualifier l'adversaire
naturel de la femme. Sankara manque d'objectivité et insuffle à
sa représentation un caractère polémique. Il poursuit en
indiquant que « la condition de la femme est par
conséquent le noeud de toute la question humaine, ici, là-bas,
ailleurs. Elle a donc un caractère universel. »149(*) L'emploi du présent
omnitemporel confère à l'universalité de la condition
féminine une notion d'éternité. C'est dire la tâche
ardue à laquelle s'est attelée Sankara.
2.1.2. La femme coupable
Véritable pendant de l'image de la femme -victime
,destinée à émouvoir le public sur le sort féminin,
la femme coupable est une construction nécessaire au mouvement
dialectique de la pensée de Sankara. La femme coupable est
identifiée comme celle qui était membre des anciennes
associations pré-révolutionnaires. Sankara use d'ironie pour la
ridiculiser et la dénigrer. Il affirme qu'avant la révolution,
les femmes étaient « organisées en groupes
folkloriques. »150(*) Assimiler une association politique à un
groupe folklorique montre le caractère futile, superficiel de son
approche. Le folklore, de plus, est passéiste puisqu'il se fonde sur le
rappel des traditions. La femme coupable est la femme passéiste, et
comme le disaient les révolutionnaires de 1789, une femme
attachée à l'ancien régime. Sankara trouve les femmes
coupables « très subjectives. »151(*) Cette injure qui prend
source dans un vocabulaire marxiste rend « ces
femmes » susceptibles de contrecarrer l'émancipation.
Elles sont partisanes d'un « féminisme
primaire » 152(*) fondé sur une
« oblitération des significations et autorise par
là toutes les audaces sémantique du féminisme
(...) »153(*)
Ce qui conduit à revendiquer pour la femme le droit d'être
masculine. La femme coupable sera donc associée à un
réseau de termes négatifs reprenant pour l'essentiel les
défauts identifiés comme ceux de la femme contre
révolutionnaire. Sankara dénonce ainsi certains comportements
déviants non conformes à l'austérité et à la
morale révolutionnaire. « Il s'agit de toutes ces
mesquineries comme la jalousie, l'exhibitionnisme, les
critiques incessantes et gratuites, négatives et sans principes, le
dénigrement des unes par les autres, le subjectivisme à fleur de
peau, les rivalités »154(*) Le déictique
« ces » joue un rôle fondamental dans ce
passage. En tant qu'adjectif démonstratif, il désigne au public
les mesquineries féminines, mais il va plus loin, il dénonce et
peut, à ce titre, être accompagné d'un geste de
mépris. Les défauts de ces femmes sont effectivement
méprisables, c'est bien ce que veut traduire le discours de Sankara.
Usant toujours de métaphores, Sankara précise le
portrait de la femme coupable. Elle devient dans son discours
« bourses de valeurs spéculatives » ou
« coffres- forts ambulants ». Ce trait met en
relief sa cupidité. En effet, le pouvoir économique lui permet de
commettre des dérives.155(*) Sankara lui reproche d'être esclave
« de la cupidité vulgaire et de la crasse avidité
matérialiste »156(*)
Une autre métaphore est destinée à
provoquer le dégoût du public envers ces femmes vénales.
Elle assimile la femme à la boue : « ces femmes sont de
dangereuses boues gluantes, fétides »157(*). Cette image est
parfaitement infâmante. La boue, à la différence de la
terre ou de l'argile, ne peut servir à la construction ou à la
culture. Le qualificatif « fétides » montre
comment la pourriture a gagné ces femmes. Le terme
« gluantes » dénonce leur caractère
visqueux, collant. Elles ne sont pas source d'élan
révolutionnaire, et puisqu'elles sont des « boues
gluantes », elles peuvent même agir en sens contraire.
Elles se présentent en femmes réactionnaires
« démobilisatrices des élans
révolutionnaires. »158(*)
La femme coupable est enfin la femme que Sankara associe
à l'idée de « patronne ». Pour sa
fille, elle est « plus sa patronne que sa
maman »159(*) Ceci implique que la femme cultive la
dépendance au niveau de sa fille. Sankara l'indique clairement et
simplement : « ce sont les femmes qui perpétuent
le complexe des sexes, dès les débuts de l'éducation et de
la formation du caractère. »160(*)
Ces critiques farouches contre les femmes permettent au
discours de se prévaloir d'une certaine objectivité.
2.1.3 La femme positive.
Une démonstration politique ne peut s'engager
uniquement sur une image dégradée de la femme. Victime ou
coupable, la femme ne peut ainsi être porteuse d'avenir. Sankara doit
nécessairement amener dans son discours l'image de la femme positive,
modèle possible à suivre.
Sankara construit l'image de la femme méritante. Il
l'exprime à travers un réseau d'associations. La femme
s'identifie ainsi à la « tendresse
protectrice », à
« l'innocence », à la
« générosité », à la
« dignité », à
« l'honneur », à
« l'hospitalité ». Il dévoile des
qualités de la femme grâce à des figures de style
adaptées comme le démontre l'accumulation hyperbolique suivante
:
« Cet être humain, vaste et complexe
conglomérat de douleurs et de joies, de solitude dans l'abandon, et
cependant berceau créateur de l'immense humanité, cet être
de souffrance, de frustration et d'humiliation, et pourtant, source
intarissable de félicité pour chacun de nous ; Lieu incomparable
de toute affection, aiguillon des courages et même les plus inattendus ;
cet être dit faible mais incroyable force inspiratrice des voies qui
mènent à l'honneur, cet être, vérité
charnelle et certitude spirituelle; Cet être-là, femmes c'est vous
! (...) »161(*)
La mise en attente du mot femme dans cette citation traduit
une volonté de mettre en valeur la femme. L'usage de liaison à
valeur adversative, telles que « cependant »,
« pourtant »,
« mais », permet d'établir un contraste
entre le sort de la femme et sa valeur intrinsèque. La femme brille par
son amour de la famille. Des périphrases métaphroriques
assimilant la femme à un « noeud vital qui soude tous les
membres de la famille »162(*) ou à un « pilier du bien
être familial »163(*)définissent clairement la place incontournable
de celle-ci dans la famille.
Pour s'attirer la sympathie des femmes, Sankara adopte un ton
élogieux à leur endroit à la fin de son discours. Il
assimile la femme à une éducatrice, à un guide.
« Les femmes assurent la permanence de notre peuple, les femmes
assurent le devenir de l'humanité, les femmes assurent la continuation
de notre oeuvre, les femmes assurent la fierté de chaque
homme »164(*) La répétition anaphorique
« les femmes assurent » donnent au passage le
caractère d'une profession de foi. Sankara croit à la femme
positive dont il dessine les contours. La femme n'est plus la compagne
révolutionnaire, elle devient la femme rédemptrice, celle qui
fait de l'homme l'acteur possible de la révolution. « Tout
homme fier, tout homme fort, puise ses énergies auprès d'une
femme, la source intarissable, la clé des victoires se trouvent toujours
entre les mains de la femme. C'est auprès de la femme, soeur ou
compagne, que chacun de nous retrouve le sursaut de l'honneur et de la
dignité »165(*). Les termes
« honneur »,
« dignité » et
« indulgence » ouvrent et ferment le discours de
Thomas Sankara du 8 mars 1987. Cela confirme sa volonté de mettre les
femmes en première ligne du combat révolutionnaire et de
revendiquer pour celles-ci des droits civiques et politiques égaux.
L'argumentation de Sankara, pour susciter l'adhésion du
public à son projet de société, se fonde sur une image
contrastée de la femme, à la mesure des phases de son discours
politique.
2.2. UN DISCOURS
POLÉMIQUE
Dans le discours du 8 mars 1987, Sankara se démarque
des discours réactionnaires et adopte un langage polémique. Ses
propos cadrent bien avec la pensée de E. Balibar qui déclare :
« si la langue (...) est
« indifférente » à la division des classes et
à leur lutte, il ne s'en suit pas que les classes soient
« indifférentes » à la langue. Elles
l'utilisent, au contraire, de façon déterminée dans le
champ de leur antagonisme, notamment de leur lutte
politique. »166(*)
Sankara reconstruit, dans son discours féministe, la
société selon une vision manichéenne : les partisans d'un
côté et les ennemis de l'autre. Cette image un peu simpliste a des
vertus de propagande. Elle permet de réduire de façon
pédagogique, la complexité des problèmes posés.
Elle peut servir de référence au peuple pour dissocier ce qui est
à l'intérieur de la révolution de ce qui lui est
extérieur.
2.2.1. Les partisans de la
cause féminine
La révolution démocratique et populaire, le
prolétariat, le paysannat, les femmes regroupées au sein de l'UFB
constituent, aux yeux de Sankara, les partisans de la cause féminine. En
somme, tous les révolutionnaires convaincus de la lutte contre toute
sorte d'exploitation militent en faveur de l'émancipation de la femme.
Ceux-ci oeuvrent ensemble pour atteindre des objectifs majeurs comme
l'accès des femmes à tous les empois, l'abolition de la
prostitution, la participation des femmes aux prises de décision et
à l'exercice du pouvoir populaire. L'avènement de la
révolution se présente comme une victoire des partisans de
l'amélioration de la condition féminine. La révolution est
un vecteur de liberté comme l'exprime la personnification suivante :
« Mais une seule nuit a porté la femme au coeur de l'essor
familial et au centre de la solidarité nationale. Porteuse de
liberté, l'aurore consécutive du 4 août 1983 lui a fait
écho pour d'ensemble, égaux, solidaire et complémentaires,
nous marchions côte à côte, en un seul
peuple. »167(*) Cette personnification, en donnant une
humanité à la nuit du 4 août, lui confère une
puissance et pousse l'auditoire (ici les femmes) à croire à
l'avènement d'un nouvel ordre social. Pour ce qui concerne
l'émancipation de la femme, la RDP a déjà
préparé le terrain du combat. Usant toujours de la
personnification, Sankara note : « La révolution
démocratique et populaire a créé la condition d'un tel
combat libérateur. »168(*) Il poursuit dans le même sens en affirmant :
« Ainsi notre révolution a non seulement
précisé l'objectif à atteindre dans la question de la
lutte d'émancipation de la femme. Mais elle a également
indiqué la voie à suivre, les moyens à mettre en oeuvre et
les principaux acteurs de ce combat. »169(*).
La répétition dans l'affirmation qui suit montre
la place et le rôle incontournables qui doit assumer l'UFB :
« Organisation de masse, tard venue par rapport à
d'autres, elle n'est pas pour autant en marge de notre marche victorieuse et
nous faisons confiance à l'UFB pour que toutes les femmes, toutes nos
femmes, toute femme et toutes les femmes du monde entier soient
mobilisées. »170(*) L'emploi de « toute (s) » et
de « entier » donne une dimension universelle
à l'UFB dont le rayon d'action n'a de limites que les pôles. Il y
a ici une volonté évidente d'exagérer l'importance de
l'UFB, et partant, de la tâche qui lui est assignée, en vue
d'inciter les femmes à l'action. Cette immensité du combat que
les femmes doivent entreprendre dans le cadre de leur organisation est
soulignée par Sankara : « la tâche est donc
dure. »171(*) Ce qui fait dire au leader révolutionnaire
qu'un des acquis majeurs de la RDP a été la création de
l'UFB, arme de combat pour la libération de la femme. En effet
l'avènement de cette structure féminine révolutionnaire
qui vu le jour en 1985, marque l'amorce d'une transformation des
mentalités au niveau des femmes.172(*) Elles « participent de plus en plus
aux prises de décision, à l'exercice effectif du pouvoir
populaire. »173(*)
Pour faire le bilan des acquis de la révolution,
Sankara donne une dimension exagérée à l'oeuvre de la RDP.
Il affirme : « Notre révolution, durant les trois ans et
demi, a oeuvé à l'élimination progressive des pratiques
dévalorisantes de la femme, telle que la prostitution et les pratiques
avoisinantes comme le vagabondage et la délinquance des jeunes filles,
le mariage forcé, l'excision et les conditions particulièrement
difficiles de la femme. » 174(*). Tous ces maux relèvent du domaine des
mentalités et leur élimination ne peut être
réalisée en si peu de temps. Ce discours est donc propagandiste
et vise à faire valoir l'énormité du combat mené
par la révolution. Il a pour objectif de susciter l'action
guerrière, de pousser les énergies par un conditionnement des
esprits
Peut-on vraiment situer la frontière entre les acquis
de Sankara et ses projets de Sankara ? Lorsque ce dernier affirme :
« En contribuant à résoudre partout le
problème de l'eau, en contribuant aussi à l'installation des
moulins dans les villages, en vulgarisant les foyers améliorés,
en créant des garderies populaires, en pratiquant la vaccination au
quotidien, en incitant à l'alimentation saine, abondante, variée,
la révolution contribue sans nul doute à améliorer les
conditions de vie de la femme burkinabé »175(*), La mise en attente du terme
révolution associée à l'expression « sans nul
doute » confère à la RDP une force d'action
incontestable, ce qui contribue à manipuler d'avantage l'auditoire. La
RDP se donne comme mission de rendre justice à la femme, justice que lui
dénient les ennemis de la cause féminine.
2.2.2. Les ennemis de la cause
féminine
Sankara met en cause l'homme, la féodalité (les
forces rétrogrades obscurantistes et ténébreuses),
l'impérialisme et les valets locaux comme les adversaires de la
condition féminine. Ils représentent les ennemis
irréductibles des femmes, comme le souligne le président du CNR :
« Les femmes arrivent à définir qui sont leurs
ennemis. Les ennemis à l'intérieur l'homme, le mâle mais
également les ennemis comme l'impérialisme et le système
culturel qu'il a apporté, et aussi le système féodal
d'hier qui existait chez nous, bien avant l'arrivée du
colonialisme. »176(*) La répétition du mot
« ennemis » et l'utilisation du pluriel traduisent
l'importance des ennemis et présuppose l'ampleur du combat qui attend
les partenaires de la cause féminine. Le camp des adversaires est
explicitement désigné. Ils forment la réaction
c'est-à-dire la contre-révolution. Pour les dénigrer, un
ensemble de réseaux d'associations et de qualifications est
soigneusement établi. Ainsi, aux ennemis d'associent des termes
dégradants comme : « Système
d'hypocrisie », « violence »,
« inégalité »,
« bêtise masculine »,
« règne féodal »,
« règne colonial »,
« apartheid », « forces
rétrogrades ». Ils sont qualifiés
d' « irresponsables », de
« jaloux » de
« prostitueurs », de
« proxénètes ». Sankara
présente une image négative de ses ennemis.
Il fonde son raisonnement plus sur l'apparence que sur la
réalité, ce qui lui permet d'attirer l'attention de l'auditoire,
d'obtenir son adhésion à ses idées. Il ne se dérobe
pas à la pensée de G. Klaus qui affirme :
« L'apparence agit directement et immédiatement sur les
larges masses et constitue pour cette raison un thème
prépondérant du langage politique. »177(*) Tout le discours de Sankara
est fondé sur le principe technique qui consiste à restreindre la
portée de l'acte de l'adversaire. Il dénigre l'action des
régimes « néo-coloniaux », qui,
à ses yeux, n'ont rien fait pour l'amélioration de la condition
féminine. Malgré « la création du
Ministère de la condition féminine, un ministère
alibi », Sankara ne s'étonne pas que « la
prostitution se soit développée, que l'accès des femmes
à l'éducations et à l'emploi ne se soit pas
amélioré, que les droits civiques et politique des femmes soient
restés ignorés, que les conditions d'existence des femmes en
ville comme en campagne ne se soient nullement
améliorés. »178(*) Cette politique restreinte a conduit à
fabriquer un type de femme fondé sur une pseudo-émancipation :
« Femme-alibi politique au gouvernement ». Sankara
tente de discréditer les réactionnaires par une série
d'injures. Les formules insultantes et péjoratives
« associent toujours désignation, description et
illégitimation de l'ennemi » (P. Ansart)179(*)
Ainsi lorsque Sankara cherche à montrer que les
impérialistes ont favorisé la misère, il use de
l'allégorie suivante : « (...) l'intrusion des rapaces
venus de loin a contribué a fermenter la solitude des femmes et à
empirer la précarité de leur
condition. »180(*). L'expression « des rapaces venus de
loin » évoque l'avidité et la cupidité de
ceux qui se jettent sur leur proie. L'impérialisme est vu comme un
danger constant. C'est la même logique qui guide Sankara dans sa
description de l'impérialisme lors de son interview du 17 mars 1985,
accordée au journaliste Ernest Harsch : « c'est dans la
pratique que j'ai vu que l'impérialisme est un monstre, un monstre qui a
des griffes, qui a des cornes, qui a des crocs, qui mord, qui a du venin, qui
est sans pitié. » La répétition du mot
« monstre » porte l'animalité et
l'immoralité de l'impérialisme à son paroxysme.
La technique de l'allégorie a beaucoup servi dans la
littérature polémique et politique de la révolution
française de 1789. Ferdinand Brunot fait une analyse de l'emploi de
l'allégorie dans le discours politique de l'époque. Il montre
comment dans les tribuns politiques comme Robespierre, Saint-Just, Rivarol
adoptent le langage allégorique parce qu'ils se veulent les
éducateurs du peuple. Comme eux, Sankara va utiliser l'allégorie
pour donner corps à des notions abstraites. Faire de
l'impérialisme un monstre permet de visualiser ce concept, d'en faire
une image pédagogiquement acceptable par l'auditoire. En d'autres
termes, la concrétisation des aspects de l'impérialisme, en
permettant au discours d'échapper à une formulation abstraite, le
rend immédiatement sensible, palpable, et d'autant plus
frappant181(*)
Dans le camp ennemi, Sankara dénonce la
mentalité masculine faite de vanité, d'arrogance et
d'irresponsabilité. L'homme, avec l'apparition de la
propriété privée, maintient la femme dans un esclavage
domestique. L'emploi récurrent du mot
« mâle » ajouté à l'usage
régulier de « phallocrates » et
« machistes » met en évidence
l'animalité et la sauvagerie de l'homme.
« Fourberie »,
« paresse », « calculs
crapuleux », « caprices sexuels »
sont associés à l'homme de façon intime. Lorsqu'il va
à l'assaut de la prostitution le président du CNR rend l'homme
responsable du phénomène. « Elle symbolise le
mépris que l'homme à de la femme »182(*) soutient -il en ajoutant :
« Il n'y a de prostituées que là où
existent des « prostitueurs » et des
proxénètes »183(*)
Au-delà des hommes, c'est la société
entière qui est rendue responsable de ce fléau. Sankara
établit son propos et étend la culpabilité à tous
ceux qui sont responsables de l'éthique de la société,
théologiens ou moralistes. Les Pères de l'Eglise ne
s'étaient-ils pas accommodés du scandale en posant ce genre de
constat : « il faut des égouts pour garantir la
salubrité des palais »184(*). Sankara use ici d'une rétorsion qui, par un
ton ironique, attaque la règle (la religion chrétienne) et met
l'autophagie (la morale révolutionnaire) en évidence185(*). Il montre que le respect de
la morale chrétienne est incompatible avec l'émancipation de la
femme. Il oeuvre à imposer la morale révolutionnaire au
détriment de la morale religieuse : « A la
« morale » immorale de la minorité exploiteuse et
corrompue, nous apposons la morale révolutionnaire de tout un peuple
pour la justice sociale »186(*), précise le président du CNR.
En prenant ses adversaires au mot, Sankara les ridiculise et
son message gagne en crédibilité. Il se présente ainsi
comme le seul garant de la morale sans laquelle régnerait le chaos. Car,
si ceux chargés de la protection et de l'éducation de la
société comme les vieux (garants des traditions) et les
Pères de l'Eglise ont failli à leur mission, le seul salut
demeure une fidélité inconditionnelle à la
révolution. Le mal se situe au niveau des mentalités car
dès la naissance une éducation différentielle est
dispensée au jeune garçon (« don de
dieu ») et à la jeune fille
(« fatalité »). Les rites et l'obligation de
soumission continuent de maintenir la jeune fille et partant la femme dans une
dépendance totale. « (..) La camisole de force sociale
enserrera davantage la jeune fille, à chaque étape de sa
vie »187(*) La « camisole de force
sociale » traduit bien la violence qui est faite sur la femme
par les tenants de la société traditionnelle. C'est dire aussi
que la femme est une aliénée au sens concret du terme et que sa
soumission est obtenue par des mesures coercitives intolérables. Toute
l'argumentation de Sankara vise à inciter à l'action pour un
bouleversement de l'ordre établi. Mettre fin à « la
relation d'appropriation qui veut que chaque femme soit la
propriété d'un homme »188(*) reste l'objectif final du
leader révolutionnaire burkinabé.
La technique polémique de Sankara repose sur la
désignation et le dénigrement systématique de ses
adversaires. La violence de ses propos, l'usage d'injures confère
à son discours un caractère engagé évident.
CONCLUSION
Inciter à l'action constitue le but ultime de Sankara.
Ce leader révolutionnaire déclare une guerre de mots contre ses
adversaires. Son discours est à la mesure de ce que G. Klaus
déclare : « La langue de la politique est un
élément de la lutte des classes(...) les mots sont des armes, des
poisons ou des tranquillisants »189(*). Cela est d'autant plus vrai
que Sankara aborde un problème ancré dans la mentalité
collective. « L'outil du langage se veut une arme de choc pour le
nouveau régime »190(*). Sankara institue une langue révolutionnaire
dont l'enjeu majeur est de renverser l'ordre ancien, et d'en créer un
autre. Dans ce sens, il affirme : « Il s'agit donc de
restituer à l'homme sa vraie image en faisant triompher le règne
de la liberté par-delà les différenciations naturelles,
grâce à la liquidation de tous les systèmes d'hypocrisie
qui consolident l'exploitation cynique de la femme »191(*). Cette profession de foi
explicite l'engagement des révolutionnaires qui est de vaincre les
multiples ennemis. De l'émancipation féminine Sankara donne ici
la voie à suivre : il se présente comme un guide qui donne
des leçons et qui détient la vérité. Sa force
réside dans sa volonté d'expliciter son projet politique et de
transmettre un message pédagogique. La lutte politique devient, avant
tout, une lutte pour imposer une vérité idéologique.
La politique sankariste s'appuie sur le
marxisme-léninisme. Elle s'engage dans le sens de la rupture et s'impose
une révolution du verbe. Elle défint la mission de la femme
nouvelle. « Aussi, celle-ci doit-elle s'engager dans
l'application des mots d'ordre anti-impérialistes, à produire et
consommer burkinabé, en s'affirmant toujours comme un agent
économique de premier plan, producteur comme consommateur des produits
locaux »192(*) ceci suppose une volonté
révolutionnaire de précipiter la destruction des systèmes
qui asservissent la femme et de construire un nouvel ordre économique
dans lequel elle bénéficierait d'un plein épanouissement.
En appelant les femmes à se mettre au premier rang pour produire et
consommer burkinabé, Sankara les invite à faire preuve de
patriotisme. Ce dernier trait de la morale révolutionnaire s'accompagne
d'une volonté d'acquérir des vertus ascétiques193(*). Compter sur ses propres
forces amène le Président du CNR à encourager les femmes
à se servir de leur propre arme que constitue l'UFB. « Il
vous appartient de l'affûter davantage pour que ses coups soient plus
tranchantes et vous permettent de remporter toujours et
toujours des victoires »194(*). Cet appel vise à donner confiance aux femmes
pour qu'elles persévèrent dans leur quête permanente de
l'émancipation.
La démarche sankariste consiste à éduquer
les femmes, à leur fournir les armes d'un combat ultérieur. Car,
pour agir, il est indispensable que celles ci prennent conscience de leur
situation critique et de la nécessité de provoquer un changement
qualificatif. « On ne combat bien que ce que l'on connaît
bien et un combat ne se réussit que si l'on est convaincu de sa
justesse »195(*) note Sankara. Il tente de rassurer les femmes sur la
bonne volonté de la RDP. « Il s'agit d'exiger au nom de la
révolution qui est venue pour donner et non pour prendre, que justice
soit faite aux femmes »196(*). La révolution symbolise une force qui
délivre. Elle se présente comme une providence, un salut pour
toutes les femmes. Elle incarne la bonté et la
générosité, elle n'est donc pas
ségrégationniste. La RDP ne distingue pas l'homme de la femme,
elle ne fait pas de « discrimination sexiste ». Le
camp du Bien est celui de la Révolution démocratique et
populaire, antithèse de la Réaction, camp du Mal, par excellence.
Cette vision manichéenne un peu simpliste délimite les rapports
de force que Sankara établit entre le camp révolutionnaire et les
ennemis de la Révolution197(*). . La révolution et les femmes sont des
partenaires dans la recherche constante de la liberté et Sankara
l'exprime clairement en ces termes : « Femmes, mes camarades
de luttes, c'est à vous que je parle »198(*).
Thomas Sankara s'adresse particulièrement aux femmes de
façon directe lors des meetings et par l'intermédiaire des
médias. Rassembler son auditoire, lui donner une conscience de foule et
l'éduquer par le biais d'images et de symboles constitue la
démarche propre au président du CNR. Cette technique d'approche
produit des effets indéniables qui font partie de l'héritage
laissée par Sankara après sa mort.
En effet, Sankara joue sur la psychologie des masses. Son
attitude est conforme à cette assertion de Gustave Le Bon :
« par le fait seul que les individus sont transformés en
foule ils possèdent une sorte d'âme collective qui les
fait sentir penser et agir d'une façon tout à fait
différente de celle dont sentirait penserait, agir chacun d'eux
isolement »199(*). Sankara, comme tout
« révolutionnaire », prend soin de
rassembler les « masses » en
« foule », de les impressionner par des harangues
vigoureuses. Face à un auditoire acquis, Sankara passe du mot d'ordre
à l'activité pédagogique. « Ce qui exige
bien souvent que nous fassions violence sur nous-mêmes : Expliquer
et encore expliquer. Lénine disait une chose que nous oublions
souvent : « à l'origine de toute révolution, il y
a la pédagogie » ne l'oublions jamais. Et l'art d'enseigner,
c'est la répétition. Il faut répéter, et encore
répéter »200(*). Eduquer et sensibiliser deviennent les armes de
Sankara. Dans ce projet de formation, le discours joue un rôle
fondamental. Les habilités rhétoriques, les techniques
argumentatives les plus diverses sont au service du discours sankariste :
convaincre, émouvoir pour participer à une oeuvre de
reconstruction. L'image, dans la démonstration dialectique de Sankara,
est une figure de discours importante. Elle est une clé de la vision
particulière que se fait le leader des forces politiques en
présence. Le triptyque de la représentation de la femme, femme
coupable, femme victime, femme positive, illustre bien les facettes du discours
politique de Sankara. L'image devient métaphore puis allégorie,
lorsque que le président du CNR cherche à frapper les esprits. Le
monde révolutionnaire se peuple de déités bienfaisantes,
telles que la révolution ou la nuit du 4 Août, et de forces
obscures ou de monstres, comme l'impérialisme et la Réaction
religieuse. Ainsi que l'explique Charles Perelman, le symbolisme est
saisissable par un large auditoire et entraîne une forte
adhésion : « Le symbole est indispensable pour
susciter une ferveur religieuse ou patriotique, car l'émotion peut
difficilement s'attacher à une idée purement
abstraite »201(*). . Dans le même sens, Walter Lippmann dit du
symbole qu'il est fait « pour créer le sentiment de la
solidarité et en même temps pour exploiter l'excitation des
masses »202(*). Le symbolisme se présente comme la langue de
l'inconscient. Il cherche à persuader l'auditoire, à le conduire
par les promesses et à l'effrayer par les menaces, à l'amener
à rejeter ce qui est condamné et à adopter ce qui est
recommandé. Dans le cas du discours sankariste sur la condition
féminine, la prostitution, l'exclusion politique, sociale et culturelle
des femmes sont condamnées sévèrement. En revanche
l'éducation politique, idéologique des femmes, leur accès
à l'emploi et aux instances de prises de décisions sont
recommandées. Le but final poursuivi est la libération et
l'émancipation totale de la femme. Cette détermination conduit
Sankara à menacer ceux qui s'opposent au cours de la
Révolution : « Camarades, malheur à ceux qui
méprisent les femmes ! »203(*). Cette formule est
l'écho de la phrase célèbre prononcée par Sankara.
à l'occasion de sa démission du poste de secrétaire d'Etat
à l'Information le 12 avril 1982 : « Malheur à
ceux qui bâillonnent leur peuple »204(*). Protestant contre les
atteintes aux libertés, il devient du même coup le leader
exemplaire qui lutte, contre l'injustice, l'arbitraire et l'exploitation sous
toutes les formes. Sankara crée dans ses meetings, une communion totale
avec le peuple205(*). Il
adapte son comportement à un « discours de
vérité qui s'énonce sur le mode du devoir - être, au
mieux du devoir vivre puis qu `il désigne le bien - vivre, la ligne
juste »206(*).
Le problème de la condition féminine tel qu'il
est posé dans les discours de Sankara relève des
mentalités profondes d'une société. Toute évolution
dans ce domaine spécifique ne peut être obtenue que par un
processus psycho-sociologique fort long.. Cependant Sankara a eu le
mérite de s'attaquer à ce qui, aux yeux de la
société est considérée comme normal et essentiel au
maintien et à la cohésion de la communauté : à
savoir les systèmes d'exploitation économique, d'oppression
sociale, d'ostracisme culturel de la femme. Et trois ans et demi, un changement
sensible se manifeste dans la vie des femmes. Celles-ci peuvent accéder
à certains postes politiques et administratifs. Les femmes comprennent
le message sankariste et certaines d'entre elles se mettent au devant de la
scène pour briser symboliquement leurs chaînes. Sankara permet
l'éveil politique des femmes, comme en témoigne Marlène
Zebango, femme politique, ancien ministre de la justice : « La
lutte des femmes burkinabé pour leurs droits remonte à Thomas
Sankara (...) il nous a donné confiance en nous, car il nous encensait
et a été le premier à nous confier des postes de
responsabilités. »207(*).
Ces propos sont confirmés par des historiens qui
constatent que l'effort sankariste a permis de placer la femme au premier plan.
La question de sa condition « ne faisait plus l'objet d'un
tabou »208(*). C. Benabdessadok conclut :
« (...) le destin des femmes a quitté le sentier du tabou,
de l'exploitation et du « beni-oui -
ouisme » »209(*). Selon lui, Sankara a permis l'amorce d'un
débat qui a modifié en profondeur les données du
problème posé. L'UFB tout comme les tribunaux populaires de
conciliation se présente comme une structure par laquelle les femmes
expriment leurs préoccupations et se défendent210(*).
Le projet de libération de la femme est
inséparable du projet global et total formulé par Sankara pour
renverser l'ordre social établi. Par ses paroles et ses actes, Sankara
bouscule les mentalités et maintient un contrôle social
serré. La lenteur de l'adhésion à la politique sankariste
sur la condition féminine est liée au fait qu'une la
révolution des mentalités se heurte à l'inertie qui leur
est propre.
Il a toujours été difficile de substituer un
système de perception à un autre. Et Bruno Jaffré de
conclure : « L'évolution des mentalités reste
un travail de longue haleine, encore faut-il commencer sans un certain
courage »211(*). Héritier d'un pays où la domination
politique, l'exploitation économique et l'exclusion sociale de la femme
étaient la norme, Sankara a opté pour la rupture.
Marxiste-léniniste, le président du CNR assimile les femmes
à des prolétaires et se détermine à les organiser,
à les éduquer et à les défendre. Il veut les
responsabiliser pour la conduite de leur propre destin, et l'aboutissement de
leur libération. Conscient de la force énorme que
représentent les femmes, Sankara prophétise :
« Camarades, il n'y a de révolution sociale
véritable que lorsque la femme est libérée. Que jamais mes
yeux ne voient une société, que jamais mes pas ne me transportent
dans une société où la moitié du peuple est
maintenue dans le silence. J'entends le vacarme de ce silence dans des femmes,
je pressens le grondement de leur bourrasque, je sens la furie de leur
révolte. J'entends et espère l'irruption féconde de la
révolution, elles traduiront la force et la rigoureuse justesse sorties
de leurs entrailles d'opprimées »212(*). Paroles et actes de Sankara
révèlent donc une pensée révolutionnaire
authentiquement féministe. Rarement dans l'histoire des
révolutions, la pratique est allée de pair avec la théorie
en ce qui concerne la libération des femmes. Olympe de Gouges, pour ne
citer qu'elle, n'a t-elle pas payé de sa vie son opposition à
Robespierre et à une révolution qui était une affaire
d'homme ? La prise de position courageuse et sincère de Sankara est
sans précédant dans l'histoire du Burkina et dans celle des
idées politiques.
ANNEXES
N° 1 : Tableau sur la représentativité
Féminine dans les Gouvernements du Burkina Faso 1957-1991.
N° 2 : Tableau sur le rapport entre le Profil
professionnel et la Fonction Ministérielle.
N° 3 : Reproduction de l'affiche :
« Un peuple nouveau pour une Haute-Volta nouvelle ».
N° 4 : Copie d'une photographie d'un
défilé « La nouvelle génération de
l'Armée nationale populaire verra la participation des
femmes ».
ANNEXES I
REPRÉSENTATION FÉMININE DANS LES GOUVERNEMENTS DU
BURKINA FASO 1957 À 1991
REGIME
|
ANNEE
|
Total membres gouvernements
|
Ministres et Secrétaires d'Etat
femmes
|
Pourcentage
|
Conseil de gouvernement
|
1957-1959
|
12
|
1
|
8,33%
|
1ère République
|
1960-1965
|
16
|
0
|
0%
|
1er Régime militaire
|
1966-1971
|
12
|
0
|
0%
|
2ème République
|
1971-1974
|
16
|
0
|
0%
|
2e Régime militaire
|
1974-1976
|
16
|
1
|
6,25%
|
1976-1978
|
19
|
1
|
5,26%
|
3ème République
|
1978-1980
|
20
|
1
|
5,00%
|
C.M.R.P.N
|
1980-1982
|
17
|
1
|
5,88%
|
|
1982
|
22
|
1
|
4,54%
|
C.S.P
|
1982-1983
|
20
19
|
2
2
|
10,00%
10,52%
|
C.N.R
|
1983-1984
1984-1985
1985-1986
1986-1987
1987
|
20
22
22
25
28
|
1
3
3
5
5
|
5,00%
13,63%
13,63%
20,00%
17,85%
|
Source : Badini-Folané (D), op. cit. p 152.
ANNEXE II
RAPPORT ENTRE LE PROFIL PROFESSIONNEL ET LA FONCTION
MINISTÉRIELLE
Régime
|
Identité
|
Profession
|
Fonction Ministérielle
|
Conseil de gouvernement 1957 - 1959
|
Mme Ouezzi COULIBALY née Traoré Macoucou
Célestin
|
Institutrice
|
Affaire Sociale de l'habitat et du Travail
|
2ème Régime militaire 1974-1978
|
Mme TRAORE Née SIGUE Fatoumata
|
Institutrice
|
Secrétaire d'Etat aux Affaires Sociales
|
3ème République 1978-1980
|
Mme TRAORE Née SIGUE Fatoumata
|
Institutrice
|
Ministre des Affaires sociales et de la Condition Féminine
|
CMRPN 1980 -1982
|
Mme KONE Née SANOU Marie Madeleine
|
Chirurgien Dentiste
|
Ministre des Affaires sociales et de la Condition Féminine
|
CSP 1982-1983
|
Mme NIGNAN Née BASSOLET Marie Louise
|
Professeur d'Anglais
|
Ministre de la Justice, Garde des sceaux
|
Mme KAMBOU Née Hien Paulin
|
Conseiller des Affaires Sociales
|
Ministre des Affaires Sociales et de la Condition Féminine
|
Mme NACOULMA née OUEDRAOGO Odile
|
Biochimiste
|
Ministre des Affaires Sociales
|
CNR
|
Mme PALE Née ROUAMBA Bunadette
|
Assistante Sociale
|
Ministre des Affaires Sociales
|
Mlle OUEDRAOGO Adèle
|
Cadre de Banque
|
Ministre du Budget
|
Mme OUEDRAOGO Née GUISSOU Joséphine
|
Socialogue Assistante sociale
|
Ministre de l'Essor Familial et de la Solidarité
Nationale
|
Mlle Rita SAWADOGO
|
Secrétaire de direction
|
Ministre des Sports et des loisirs
|
Mlle Noélie Marie Béatrice DAMIBA
|
Journaliste
|
Ministre de l'Environnement et du Tourisme
|
Mlle BAMBA Née LOUGUE Azata
|
Médecin
|
Ministre de la santé
|
Mme SANOU Née DAO Bernadette
|
Diplôme en lettres Poétesse
|
Ministre de la Culture
|
Mme SALEMBERE Née OUEDRAOGO Alimata
|
Journaliste
|
Ministre de la Culture
|
Mlle Marie Noélie Béatrice DAMIBA
|
Journaliste
|
Ministre de l'Environnement et du Tourisme puis de
l'Informatique et de la Culture
|
Mme SALEMBERE Née OUEDRAOGO Alimata
|
Journaliste
|
Secrétaire d'Etat à la Culture
|
Mme TIENDREBEOGO Née KABORE Alice
|
Historienne
|
Secrétaire d'Etat à l'Action Sociale puis Ministre
de l'Alphabétisation de Masse
|
Mme SANOGHO Née GUINDO Bintou
|
Ingénieur Statisticien
|
Ministre des Finances
|
Source : Badini - Folané (D), op. cit., p. 160.
ANNEXE III
Source : Carrefour Africain n° 797 du 23
septembre 1983 (couverture).
ANNEXE IV.
Source : Carrefour Africain n° 842 du 4
août 1984, p. 29.
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N° 842 du 4 août 1984, pp. 11-12/ p. 37.
N° 851 du 5 octobre 1984, p. 13.
N° 854 du 26 octobre 1984, p. 11.
Le Monde Diplomatique : N° 541, avril
1999, p. 2.
L'Observateur N° 2684 du 5 octobre 1983, p.
8.
Sidwaya N° 65 du 16 juillet 1984, p. 3.
N° 68 du 19 juillet 1984, p. 4.
N° 105 du 12 septembre 1984, p. 3.
N° 113 du 24 septembre 1984, p. 3.
N° 222 du 4 mars 1985 p. 1.
N° 226 du 6 mars 1985, p. 1 et p. 3.
N° 227 du 11 mars 1985, p. 4.
N° 326 du 5 août 1983, p. 3.
N° 475 du 7 mars 1986, p .1.
N° 476 du 10 mars 1986, p. 3.
* 1 G. TARRAB, R. BANEGAS ont
proposé une analyse des discours de la révolution
burkinabé d'une part, d'autre part B. JAFFRÉ , L. MARTENS, S.
ANDRIAMIRADO ET V. SOMÉ ont produit des biographies ou ouvrages portant
en partie sur la vie de Thomas Sankara.
* 2 ENGLEBERT (P), la
Révolution burkinabé, Bruxelles, ULB , 1985, p 94.
* 3 GAKUNZI (D), Thomas
SANKARA, « Oser inventer l'avenir ». La parole de
SANKARA (1983-1987), New-York et Paris Pachfinder et l'Harmattan, 1991, p.
58.
* 4 GAKUNZI (D), op. cit., p.
58.
* 5 Le
« lumpen-prolétariat » regroupe, selon les
marxistes, l'ensemble des désoeuvrés, de tous ceux qui n'ont pas
de travail. Le lumpen-prolétariat apparaît comme une masse
à conscientiser et à intégrer dans le processus
révolutionnaire.
* 6 BAMOUNI (B P),
« Idéologie : le révolutionnaire »,
in Carrefour Africain n 854 ? du 24 octobre 1984, p. 11.
* 7 GAKUNZI (D), op. cit., p.
61.
* 8 MARTENS (L), Sankara,
Compaoré et la révolution burkinabé, Anvers, Editions
E P O, 1989, p. 249.
* 9 MARTENS (L), op. cit., p.
5.
* 10 MARTENS (L), op. cit., p.
5.
* 11 MARTENS (L), op. cit., p.
5.
* 12 UNICEF, Analyse de la
situation des femmes et des enfants au Burkina Faso,
Ouagadougou, UNICEF, 1994 pp. 41-42.
* 13 UNICEF, op. cit., p.
44.
* 14 Le Dictionnaire de
Notre temps, Paris Hachette, 1990, p. 586.
* 15 GAKUNZI (D), op. cit., p.
153.
* 16 BANEGAS (R ),
Insoumissions populaires et révolution au Burkina Faso,
Bordeaux, CEAN, 1998, p. 6.
* 17 ROBERT (A. D) et
BOUILLAGUET (A), l'Analyse de contenu, Paris, PUF, 1997, p. 8.
* 18 KABORE (V-F),
Condition et place de la femme dans la société moaga
traditionnelle de Ouagadougou. Ruptures et permanences avec
l'avènement de l'islam, Mémoire de maîtrise,
INSHUS-U.O, Département d'Histoire et Archéologie, 1989, p.
34.
* 19 KABORE (V-F), op. cit.,
p. 32.
* 20 KABORE (V-F), op. cit.,
p. 31.
* 21 BINGER (L G), Du Niger
au Golfe de Guinée par le pays de Kong et le Mossi,. Paris,
Hachette, 1892, p. 473.
* 22 BINGER (L G), op. cit.,
pp. 39-40.
* 23 BINGER (L G), op. cit., p.
495.
* 24 « L'histoire
du Burkina depuis la fin du XIXe siècle »,
EURÊKA n 19, Décembre 1996, p 28
* 25 « L'histoire
du Burkina depuis la fin du XIXe siècle »,
EURÊKA n 19, Décembre 1996, p 28
* 26 KNIBIEHLER (Y) et
GOUTALIER (R ), Femmes et colonisation, Aix-en-Provence, I.H.P.O.M.,
1987, p.29.
* 27 KNIEBIEHLER (Y) et
GOUTALIER ( R), op. cit., pp. 27-33.
* 28 KNIEBIEHLER (Y) et
GOUTALIER ( R), op. cit., p. 27.
* 29 KNIEBIEHLER (Y) et
GOUTALIER ( R), op. cit., p. 29.
* 30 BADINI - FOLANE (Denise),
« La représentativité féminine dans les
gouvernements du Burkina Faso de 1958 à 1991 », in
cahiers du CERLESHS (FLASHS-UO), Presse Universitaire de Ouagadougou, 1997, pp.
145-146.
* 31 VALETTE (Jacques), La
France et l'Afrique. L'Afrique subsaharienne de 1960, Paris, Sedes, 1994,
p.139.
* 32 SANDWIDI (R ) et alt,
le Partenariat hommes/femmes pour le développement au Burkina
Faso. Quelle approche sur le terrain ? (Etude de cas sur le
genre), Ouagadougou, CEDA, novembre 1997, p. 4.
* 33 BADINI - FOLANE (D), op.
cit., p. 150.
* 34 KARGOUGOU (M), Les
problèmes féminins dans le cadre de l'éducation
rurale, Ouagadougou, D.E.R, 27 septembre 1967, p. 3.
* 35 BADINI-FOLANE (Denise),
op. cit., pp. 156-157. Voir Annexe I.
* 36 INSD, Burkina Faso,
Données démographiques, socio- économiques et
culturelles sur les femmes du Burkina Faso, Ouagadougou, INSD, 1993, p.
7.
* 37 CHLEBOWSKA (K),
l'Autre Tiers Monde : les femmes rurales face à
l'analphabétisme, UNESCO, 1990, pp. 76-77.
* 38 Livre (Le) unique de
français de l'écolier africain, Paris, EDICEF, pp. 34-35.
* 39 Livre (Le) unique de
français de l'écolier africain, Paris, EDICEF, pp.
244-245.
* 40 Livre (Le) unique de
français de l'écolier africain, Paris EDIFICEF, pp.
244-245.
* 41 UNICEF, Analyse sur la
situation des femmes et des enfants au Burkina Faso, Ouagadougou, UNICEF,
1994 p. 67
* 42 ONU, Les femmes dans
le monde 1970-1990 : des chiffres et des idées, New - York,
ONU, 1992, p. 50.
* 43 BENABDESSADOK (C) ,
« Femmes et révolution ou comment libérer la
moitié de la société », in Politique
Africaine n 20, « le Burkina Faso »,
Karthala, décembre 1985, p. 54.
* 44 UNICEF , op. cit., p.
73.
* 45 CHLEBOWSKA (K) op., cit.,
p. 74.
* 46 UNICEF, op. cit., p.
40.
* 47 UNICEF, op. cit., p.
35.
* 48 UNICEF, op. cit., p.
39.
* 49 UNICEF, op. cit., p.
41.
* 50 TARRAB (G), op. cit., p.
113.
* 51 UNICEF, op. cit., p.
36.
* 52 BENABDESSADOK (C), op.
cit., p. 57.
* 53 TARRAB (G), op. cit., p.
85.
* 54 UNICEF, op. cit., p.
45.
* 55 BADINI-FALANE (D), op.
cit., pp. 157-160. Voir Annexe II
* 56Voir Annexes I et II
* 57 TARRAB (G), op. cit., p.
72.
* 58 TIAO (L. A),
« Au dernier conseil des ministres. Des femmes prennent en main
des commandements territoriaux » in Carrefour Africain
n 827 du 20 avril 1984, P. 9.
* 59 ZERBO (S),
« La RDP et la femme burkinabé : Après la
parole donnée », in Sidwaya, n 105 du mercredi
12 septembre 1984, p. 3.
* 60 BADINI-FOLANE (D), op.
cit. pp. 157-160. Voir Annexe I
* 61 TARRAB (G ), op. cit., p.
72. Voir Annexe IV
* 62 TARRAB (G), op. cit., p
32.
* 63 DAMIBA (B). «
Les CDR : un an d'exercice de pouvoir populaire. Des acquis amis aussi des
accrocs », in Carrefour Africain n 842 du 4 août 1984,
p. 11.
* 64 DAMIBA (B), op. cit., p.
12.
* 65 GAKUNZI (D), op.
cit., pp. 63-64.
* 66 MARTENS (L), op. cit., p.
250.
* 67 CONDORCET, Lettre d'un
bourgeois de Newhaven, 1789, Cité par KRIEF (H) dans un cours
destiné aux étudiants de MAST1 (Licence) du département
d'Arts et Communication (FLASHS-U.O). Le cours est intitulé :
Discours romanesque et idéologies, année
académique 1997-1998.
* 68 Cité par KRIEF (H)
dans le cours Discours romanesque et idéologies, indiqué
plus haut.
* 69 GENGEMBRE (G), A vos
plumes citoyens ! Ecrivains, journalistes orateurs et poètes, de la
Bastille à Waterloo Paris. Gallimard, 1988, p. 171.
* 70 GENGEMBRE (G), op. cit.,
p.172
* 71 GENGEMBRE (G), op., cit.,
p. 171.
* 72 GENGEMBRE (G), op., cit.,
p. 172.
* 73 GAKUNZI (D) op. cit., p.
223.
* 74 GAKUNZI (D) op. cit., p.
224.
* 75 Engels (F) l'Origine
de la famille de la propriété et de l'Etat, Paris Editions
Sociales 1983, p. 271.
* 76 POIRIER (J),
« Elément pour une problématique
matérialiste de la reproduction humaine », in Gauveau (D)
et alt (sous la direction de) : Démographie et
sous-développement dans le tiers Monde Center for developing
Area Studies Mc Gill University, Québec,1986, p. 286.
* 77 POIRIER (J), op. cit., p.
286.
* 78 ENGELS (F), L'origine
de la famille, de la propriété privée et de l'Etat,
Paris Editions Sociales, 1983, p 271.
* 79 ENGELS (F), op.
cit., p. 333.
* 80 Roux (J),
Précis historique et théorique du Marxisme -
Léninisme, Paris Robert Lafont, 1969, p. 322 - 333.
* 81 ZIEGLER (J), La
victoire des vaincus. Oppression et résistance culturelle, Paris,
Seuil, 1988, p. 271.
* 82 MARTENS (L), op. .cit., p
22.
* 83 DAMIBA (B),
« Pourquoi une journée de la
femme ? », in Carrefour africain n 822 du
16 mars 1984, p. 31.
* 84 GAKUNZI (D), op. cit., pp.
12-13.
* 85
« Grande parade populaire du 4 août : les femmes ont
été magnifiques », in Sidwaya n 323 du
lundi 5 août 1985, p. 1.
* 86 Sidwaya n 326 du
lundi 5 août 1985, p. 3.
* 87 GAKUNZI (D), op.
cit., p. 63.
* 88 GAKUNZI (D), op., cit.,
pp. 115-116
* 89 ZERBO(S),
« Le chef de l'Etat rencontre les femmes : L'Appel à
la liberté », in Sidwaya n 65 du lundi 16
juillet 1984, p. 3.
* 90 DAMIBA (B),
« Les femmes et la révolution. Une percée difficile
mais certaine », in Carrefour Africain n 797 du 23
septembre 1983, p. 28.
* 91 ZERBO (S), op., cit. in
Sidwaya n 65 du lundi 16 juillet 1984, p. 3.
* 92 « La femme
dans la RDP. Les voix de sa libération », in
Carrefour Africain n 842 du 4 août 1984, p. 37.
* 93 Voir Annexe IV
* 94 DAMIBA (B),
« les CDR : un an d'exercice de pouvoir populaire. Des
acquis mais aussi des accros » in Carrefour africain n
842 du 4 août 1984, p. 11.
* 95 PERELMAN (Ch),
L'Empire rhétorique, rhétorique et argumentation, Paris,
Vrin, 1977, p. 23.
* 96 SAINT AUGUSTIN, De la
doctrine chrétienne Livre IV, chapitre 13 cité par PERELMAN
(ch), op. cit., p. 26.
* 97 GAKUNZI (D), op. cit., pp.
63-64.
* 98 GAKUNZI (D), op.
cit., p. 64.
* 99 SAINT AUGUSTIN, op. cit.,
p. 221.
* 100 ARISTOTE,
Rhétorique Livre I, 1357 a, cité par PERELMAN (Ch), op.
cit., p. 51.
* 101 PERELMAN (Ch), op. cit.,
p. 96.
* 102 GAKUNZI (D),
op. cit. p. 223.
* 103 PERELMAN (Ch), op. cit.,
p 119.
* 104 GAKUNZI (D),
op. cit., p 225.
* 105 GAKUNZI (D),
op. cit., p. 63
* 106 GAKUNZI(D), op. cit., p
231.
* 107 GAKUNZI(D), op. cit., p
231.
* 108 GAKUNZI(D), op. cit., p.
230.
* 109 PERELMAN (Ch), op. cit.,
p. 108.
* 110 PERELMAN (Ch),
op. cit., p. 225
* 111 GAKUNZI(D), op. cit., p
64.
* 112) GAKUNZI(D), op. cit.,
p. 226.
* 113 GAKUNZI (D),op. cit.,.
pp. 226-227
* 114 GAKUNZI (D), op. cit., p
230
* 115 Ibid, p 230
* 116 GAKUNZI(D), op. cit, p
231
* 117 GAKUNZI (D),
op. cit., p. 233.
* 118 GAKUNZI (D), op. cit.,
p. 228.
* 119 GAKUNZI (D), op. cit.,
p. 228.
* 120 GAKUNZI (D),
op. cit., p. 222.
* 121 GAKUNZI (D), op. cit.,
p. 228.
* 122 GAKUNZI (D),
op. cit., p. 222.
* 123 GAKUNZI(D) op. cit., p
245.
* 124 GAKUNZI (D), op. cit.,
p. 116.
* 125 Ibid, p. 225
* 126 Ibid, p. 226
* 127 POIRIER (J), op. cit.,,
p. 286
* 128 GAKUNZI(D), op. cit., p.
103
* 129 Ibid, p. 241
* 130 Ibid, p. 241
* 131 GAKUNZI(D), op. cit., p.
232
* 132 GAKUNZI (D), op. cit.,
p. 232.
* 133 GAKUNZI (D),
op. cit., p. 115.
* 134 HERNMSEN (J),
op. cit., p. 305.
* 135 GAKUNZI(D), op.
cit., p. 64-65.
* 136 KRIEF(H),
« La Condition de la femme dans la littérature romanesque
féminine pendant la Révolution française »,
in Les femmes et la Révolution française. T 2. Toulouse,
Presses universitaires de Mirail, 1990 (actes du colloque international, 12-
13-14 avril 1989. Université de Toulouse- le Mirail), p. 270.
* 137 CHARLOT(M),
La Persuasion politique, Paris, A. Colin, 1990, p 24
* 138 GAKUNZI(D), op. cit.,
pp. 221-245
* 139 GAKUNZI(D), op.
cit., p. 63.
* 140 BACRY (P), Les
figures de styles, Paris, Belin, 1992, p. 38.
* 141 Le changement du
caractère de la « dot » coutumière,
évaluée en monnaie et tend à devenir un simple prix.
Certains mariages prennent l'allure d'une vente (Dictionnaire des
civilisations africaines, Paris, Fernand Hazan éditeur, 1968, p.
151.)
* 142 GAKUNZI(D), op. cit., p.
237.
* 143 GAKUNZI (D), op. cit.,
p. 231.
* 144GAKUNZI (D), op. cit., p.
231.
* 145 GAKUNZI (D), op. cit.,
p. 231.
* 146 GAKUNZI(D), op.
cit., p. 225.
* 147 GAKUNZI (D), op. cit.,
p. 225.
* 148 GAKUNZI (D), op. cit., p
103.
* 149 GAKUNZI (D), op. cit.,
p. 223.
* 150 Ibid, p. 115
* 151 Ibid, p. 115
* 152 GAKUNZI (D), op. cit.,
p. 223.
* 153 GAKUNZI (D),
op. cit., p. 227.
* 154 GAKUNZI(D), op. cit., p.
236.
* 155 GAKUNZI (D), op. cit.,
p. 236.
* 156 GAKUNZI (D), op. cit.,
p. 236.
* 157 GAKUNZI (D), op. cit.,
p. 229.
* 158 GAKUNZI (D), op. cit.,
p. 240.
* 159 GAKUNZI (D), op. cit.,
p. 231.
* 160 GAKUNZI (D), op. cit.,
p. 240.
* 161 GAKUNZI(D), op.
cit., p. 222.
* 162 GAKUNZI (D), op. cit.,
p. 231.
* 163 GAKUNZI (D), op. cit.,
p. 231.
* 164 GAKUNZI (D), op. cit.,
p. 244.
* 165 I GAKUNZI (D), op. cit.,
p. 244.
* 166 E. BALIBAR cité
par PECHEUX (M), Les Vérités de la palice. Linguistique
sémantique et philosophie, Paris, Français Maspero, 1975, p.
89.
* 167 GAKUNZI (D),
op. cit., p. 233.
* 168 GAKUNZI (D), op. cit.,
p. 234.
* 169 GAKUNZI (D), op. cit.,
p. 234.
* 170 GAKUNZI (D), op. cit.,
p. 177.
* 171 GAKUNZI (D), op. cit.,
p. 177.
* 172 GAKUNZI(D), op.cit, p.
235.
* 173 GAKUNZI (D), op. cit.,
p. 235.
* 174 GAKUNZI (D), op. cit.,
p. 235.
* 175 GAKUNZI (D), op. cit.,
p. 235.
* 176 GAKUNZI (D), op. cit.,
p. 116.
* 177 PECHEUX (M), op. cit.,
pp. 260-261.
* 178 GAKUNZI(D), op. cit., p.
233.
* 179 BANEGAS( R), op. cit.,
p. 18.
* 180 GAKUNZI(D), op. cit., p.
114.
* 181 BACRY(P), op. cit., p.
73.
* 182 GAKUNZI(D), op. cit., p
229.
* 183 GAKUNZI (D), op. cit.,
p. 229.
* 184 GAKUNZI (D), op. cit.,
p. 229.
* 185 PERELMAN (Ch), op. cit.,
p 72.
* 186 GAKUNZI(D), op. cit., p.
71. Voir Annexe III : Une présentation messianique de la
Révolution.
* 187 GAKUNZI (D), op. cit.,
p. 230.
* 188 GAKUNZI (D), op. cit.,
p. 242.
* 189 PËCHEUX (M), op.
cit., p. 259.
* 190 BANEGAS (R) op. cit., p
17.
* 191 GAKUNZI (D) , op. cit. p
222.
* 192 GAKUNZI (D), op. cit.,
p.p 235-236.
* 193 BANEGAS (R), op. cit. p.
102.
* 194 GAKUNZI (D), op. cit. p.
235.
* 195 GAKUNZI (D) , op., cit.
p. 123.
* 196 GAKUNZI (D), op. cit.,
p. 239.
* 197 Voir Annexes III
* 198 GAKUNZI (D), op. cit. p.
242.
* 199 Citation tiré du
cours « Médias et Publics » dispensé
par BALIMA Serge Théophile (Licence/ MAST1, Arts et Communication,
19/01/98).
* 200 GAKUNZI (D) op. cit. p.
273.
* 201 PERELMAN, op., cit. , p
114.
* 202 Citation tirée du
cours « Médias et publics de BALIMA Serge
Théophile (Licence/ MAST1 et Communication, 19/01/98).
* 203 GAKUNZI (D) op. cit. p.
245.
* 204 ENGLEBERT (P) op. cit.
pp 112 - 113.
* 205 ENGLEBERT (P), op. cit.
pp. 112 - 113.
* 206 BANEGAS (R) op. cit. p.
109.
* 207 BADINI - FOLANE (D),
« Femmes en politique au Burkina Faso de 1983 à
1977 », in Athanor n° 9, Ravenna, Longo Eidtore,
décembre 1998, p. 81.
* 208 JAFFRE (B), Burkina
Faso, les années Sankara : de la révolution à la
rectification, Paris , l'Harmattan 1989, p 111.
* 209 BENABDESSADOK(c), op.,
cit. p. 64.
* 210 JAFFRE (B) , op.; cit.
p. 111.
* 211 JAFFRE (B) , op.; cit.
p. 111.
* 212 GAKUNZI, (D) op. cit. p
245.
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