Thomas Sankara et la condition féminine: un discours révolutionnaire?( Télécharger le fichier original )par Poussi SAWADOGO Université de Ouagadougou - Maà®trise sciences et techniques de l'information et de la communication 1999 |
2.2. ÉCHO MÉDIATIQUELa radio, la télévision et la presse écrite, notamment Sidwaya et Carrefour africain, propriétés de l'Etat se chargent de populariser les discours du président Sankara. En plus de la transmission brute des messages de Sankara, ces médias se proposent d'expliciter son discours politique pour une meilleure compréhension. Ils deviennent, par conséquent, des organes d'information, de formation et de propagande. Ils transmettent l'idéologie révolutionnaire jusqu'au dernier hameau du Burkina. La presse devient idéologique et concourt à la régénération de la société burkinabé. Elle participe de la révolution, en reprenant les mots clés du discours sankariste et en les commentant assidûment : liberté, égalité, justice sociale, dignité. Les titres de la presse écrite mettent en valeur l'engagement du discours présidentiel en faveur de la femme. Sur la rencontre du dimanche 15 juillet 1984 à la maison du peuple, Salia Zerbo titre dans Sidwaya : « Le chef de l'Etat rencontre les femmes : l'appel à la liberté »89(*). Le terme « Appel » fait référence au discours comme moyen d'action, comme levier important du changement socio-politique. Si le discours exhorte, le discours définit aussi une ligne politique précise. Véritable chambre d'écho du discours sankariste, les colonnes des organes de presse s'ouvrent au militantisme et à la propagande. Dès le 23 septembre 1983, Béatrice Damiba reprend les propos du secrétaire général national des CDR, Pierre Ouédraogo, dans l'hebdomadaire Carrefour Africain. « La révolution ne distingue pas l'homme de la femme, pas de ``discrimination sexiste '' à l'encontre de la femme ». Béatrice Damiba dans son commentaire soutient que « donner le pouvoir au peuple, c'est le donner aux femmes, libérer le peuple c'est libérer la femme »90(*). Salia Zerbo rapporte la pensée de Thomas Sankara, « le profite de la femme révolutionnaire, selon le camarade président, bénéficie à celle qui fait bonne toilette, qui est coquette, belle, militante de la RDP. La bonne toilette se fera avec des moyens modestes »91(*). Luc Adolphe Tiao note un progrès significatif dans le combat féministe du CNR. « Aujourd'hui partout en Haute-Volta les slogans ponctués par les CDR : « A bas les femmes budgétivores » - « à bas les femmes et les hommes réactionnaires » « à bas les maris féodaux », commencent à avoir un impact réel sur la société »92(*). Le quotidien Sidwaya n° 326 du lundi 5 août 1985, spécial deuxième anniversaire de la RDP, conçu sous forme de magazine montre la volonté du régime de secouer les bonnes consciences. Dès la une, on lit « grande parade populaire du 4 août les femmes ont été magnifiques ! », « la nouvelle armée populaire accorde une place réelle à la femme »93(*). A la page 5, une banderole présente : « Association des servantes du Christ » « le peuple qui lutte réussira mais les paresseux restent dominés. La Bible ». Cette inscription assimile la mission du CNR à la mission salvatrice du Christ. La presse contribue largement à diffuser les mots d'ordre du régime. Elle incite à l'adoption de dispositions particulières destinées à favoriser l'augmentation du taux de scolarisation, l'alphabétisation des femmes et leur niveau d'instruction. Elle doit également oeuvrer dans le domaine de la santé et promouvoir les structures de rassemblement des femmes et les crèches et les garderie populaires en milieu rural pour favoriser leur participation, non seulement à la production mais aussi à l'ensemble des activités socioculturelles. Diffuser plus largement l'information, par l'usage des technologies modernes qui permettent de produire plus, tout en libérant la force humaine, relève du ressort de la presse. La présence du problème de la condition féminine est donc indéniable dans le discours de Sankara. Le discours est conçu comme un moment important de la rencontre de Sankara avec les femmes. Béatrice Damiba dans Carrefour Africain parle d'un « face à face de la vérité »94(*). Cette expérience traduit bien le rapport existant entre le tribun politique et son public. Mettre ce rapport sous l'égide de la vérité confère une dimension incontestable à l'analyse politique proposée par Sankara. Servi par une presse de propagande politique, le discours féministe de Sankara cherche à déterminer une image positive de la femme en tant qu'agent dynamique et créatif du développement économique et social.
TROISIEME PARTIE L'ARGUMENTATION SANKARISTE * 89 ZERBO(S), « Le chef de l'Etat rencontre les femmes : L'Appel à la liberté », in Sidwaya n 65 du lundi 16 juillet 1984, p. 3. * 90 DAMIBA (B),
« Les femmes et la révolution. Une percée difficile
mais certaine », in Carrefour Africain * 91 ZERBO (S), op., cit. in Sidwaya n 65 du lundi 16 juillet 1984, p. 3. * 92 « La femme dans la RDP. Les voix de sa libération », in Carrefour Africain n 842 du 4 août 1984, p. 37. * 93 Voir Annexe IV * 94 DAMIBA (B), « les CDR : un an d'exercice de pouvoir populaire. Des acquis mais aussi des accros » in Carrefour africain n 842 du 4 août 1984, p. 11. |
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