La fraude à la TVA( Télécharger le fichier original )par Nicolas Mathe Université Toulouse 1 Capitole - Master 2 droit fondamental des affaires 2011 |
Partie I : L'utilisation du mécanisme de la TVA à des fins frauduleuses31. La fraude à la TVA est donc l'utilisation malhonnête des règles de la TVA afin de ne pas reverser l'impôt dû à l'Etat ou de bénéficier d'une créance fictive sur l'Etat. Dès lors, afin de comprendre le mécanisme de la fraude à la TVA, il est nécessaire d'exposer les régimes de cette taxe. Les règles applicables pouvant varier en fonction de la nature de l'opération effectuée par l'assujetti, il faut les distinguer selon que l'opération a un caractère international on non. Il faut donc présenter les règles applicables aux opérations internes, et celles applicables aux livraisons et acquisitions intracommunautaires. Les fraudeurs profitent en effet des faiblesses du mécanisme de la TVA tant au niveau interne que dans le cadre des échanges intracommunautaires de marchandises. En effet, bien que les fraudes à la TVA les plus « classiques » et les plus courantes soient principalement mises en oeuvre lors d'opérations ayant lieu exclusivement sur le territoire national, depuis 1993 et la mise en place du marché unique une fraude plus complexe s'est développée : la fraude « Carrousel ». Profitant du principe de l'exonération des livraisons dans l'Etat du vendeur, elle permet aux fraudeurs de réaliser des profits très importants et reste aujourd'hui très difficile à détecter. La fraude Carrousel est un véritable fléau pour l'Etat, tant son efficacité est redoutable. Puisque la fraude détourne les règles de la TVA, il faut étudier les régimes de TVA applicables aux opérations internes et aux opérations communautaires (chapitre 1), avant de poursuivre sur l'analyse du développement des différentes formes de fraudes (chapitre 2). Il est ainsi mis en avant les différents régimes de la TVA, et exposé comment les fraudeurs utilisent les faiblesses de ces mécanismes afin de réaliser des profits. Un tel plan a l'avantage de présenter les principes fondamentaux de la TVA qui permettent par la suite d'exposer plus facilement le fonctionnement des différentes fraudes. Chapitre 1 : Le mécanisme de la TVA32. Connaitre le régime de taxation est donc indispensable afin de comprendre les mécanismes des montages frauduleux. Le champ d'application de la TVA est très étendu (Section 1), bien que certaines opérations soient toutefois exonérées de taxe. Quand au mécanisme de la taxe en droit interne (Section 2), il repose en partie sur le système des paiements fractionnés. Les assujettis bénéficient ainsi d'un droit à déduction. Ils imputent la TVA acquittée en amont sur la taxe collectée en aval. Dès lors, la taxe n'est pas une charge pour les entreprises assujettis à la TVA. La différence entre la taxe collectée et la taxe acquittée en amont est quant à elle, reversée à l'Etat. Le commerce des biens et des services est aujourd'hui essentiellement international38(*). Or les échanges commerciaux avec l'étranger sont également frappés par la TVA39(*), et il existe des règles spécifiques aux opérations intracommunautaires40(*) (Section 3). Section 1 : Le champ d'application de la TVA33. L'analyse du champ d'application de la TVA permet de déterminer les opérations imposables à la TVA. Il est défini par les articles 256 à 263 du CGI, et apparait très large puisqu'il touche toutes les opérations effectuées à titre onéreux par un assujetti41(*). L'étude du champ d'application appelle au préalable une précision terminologique : on entend par opérations situées dans le champ d'application de la TVA, celles qui sont des opérations imposables à la TVA (Paragraphe 1). Ce qui ne signifie pas nécessairement que l'opération est effectivement imposée. Ainsi certaines opérations entrant dans le domaine d'application de la TVA en sont malgré tout exonérées (Paragraphe 2). Ces exonérations se justifient pas des considérations diverses. Les opérations situées hors du champ d'application de la TVA, quant à elles, ne sont pas imposable à la TVA. Paragraphe 1 : les opérations imposables34. Si certaines opérations sont imposables par nature (A), d'autres peuvent l'être par détermination de la loi ou bien par option (B). A> Les opérations imposables par nature35. Les opérations imposables par nature sont les « livraisons de biens et les prestations de services effectués à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel 42(*)». Ainsi, deux notions permettent de définir les opérations qui par nature entrent dans le champ d'application de la TVA, celle de la qualité des opérations imposables, et celle d'assujetti agissant en tant que tel. 1- Livraisons de biens et prestations de services effectuées à titre onéreux36. L'article L 256-I du CGI précise que sont imposables à la TVA les livraisons de biens et les prestations de services effectués à titre onéreux. Bien que les livraisons de biens et les prestations de services soient toutes deux soumises à la TVA, il est parfois nécessaire de les distinguer entre elles, ne serait-ce que parce que la date d'exigibilité n'est pas identique. 37. Quant à la notion de livraisons de biens, elle peut se définir selon le CGI comme le « transfert du pouvoir de disposer d'un bien meuble corporel comme un propriétaire 43(*)». Ainsi, entrent dans le champ de la TVA toutes les opérations emportant transfert de propriété à titre onéreux d'un bien meuble corporel (vente, échanges, apport en société, indemnités perçues à l'occasion de la réquisition de biens meubles). En revanche, sont exclues des livraisons de biens soumises à la TVA, les opérations concourant à la production ou à la livraison d'immeuble44(*). Enfin, en principe les opérations sur les biens meubles incorporels sont soumises au régime des prestations de services45(*). 38. Quant aux prestations de services elles sont définies négativement par la loi. En effet l'article 256-IV du CGI considère comme prestation de service les opérations autres que les livraisons de biens corporels. On citera à titre d'exemples les cessions et concessions de brevets ou de logiciels, les travaux immobiliers, les travaux à façon, les transports, les locations, le crédit-bail, les prestations fournies par les membres des professions libérales. 39. De plus ces livraisons de biens et prestations de services doivent être réalisées à titre onéreux. Il faut entendre par là que l'opération comporte nécessairement une contrepartie qui est en lien direct avec l'opération. 40. Cette contrepartie peut alors prendre plusieurs formes. Il s'agit selon les situations, du prix payé en espèce, d'un paiement en nature par exemple un échange ou un apport en société, ou bien une prestation de service. Il importe peu que l'opération soit réalisée avec bénéfice, à prix coutant ou à perte puisque la TVA frappe non pas un résultat bénéficiaire mais un chiffre d'affaires. A contrario, lorsque l'opération est réalisée à titre gratuit, il n y a pas de TVA exigible, faute de contrepartie servant de base à son calcul. L'opération est dans ce cas hors champ d'application de la TVA. 41. La notion de lien direct entre l'opération réalisée et la contrepartie reçue est tout aussi fondamentale pour apprécier le caractère imposable ou non de l'opération. Un tel lien est caractérisé lorsque deux conditions sont remplies. Le service doit être individualisé et rendu à une personne déterminée, et la contrepartie doit être nécessaire et équivalente46(*). * 38 D.Gutmann ; Droit fiscal des affaires, Montchrestien, 2010. * 39 V.R. Duccini, Fiscalité des contrats internationaux, Litec, 1991. * 40 P.Bonneval ; La TVA intracommunautaire ; ESKA, collection ESKA droit et gestion. * 41 A. Grousset, « Refonte des droits à déduction de TVA », Nouv. fisc. 1er novembre 2008, n° 1011. * 42 Transposant la sixième directive du 17 mai 1977 * 43 Art. 256-II-1°. * 44 Ces opérations sont soumises à la TVA immobilière dans les conditions prévues à l'article 257-7° du CGI * 45 L'art. 256-II-2°, limite la portée de ce principe. Ainsi, par exception, certains biens meubles incorporels sont traités au regard de la TVA comme des biens corporels. C'est le cas de l'électricité, du gaz, de la chaleur, du froid et de certains biens similaires. * 46 CJCE 8 mai 1988, aff. 102/86, Appel and Pear Development Council :RJF 8-9/88 n° 970, Recueil 1988/3 p. 1443. |
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