L'Union européenne et Chypre: autopsie d'un succès inachevé( Télécharger le fichier original )par Meriem JAMMALI Université Paris IV Sorbonne - Master Enjeux, conflits, systèmes internatinaux à l'époque moderne et contemporaine 2006 |
A la mémoire de mon frère Ali JAMMALI Mon amour pour toi dépasse les frontières de la vie et de la mort Grâce à toi, je me rends compte combien de couchers de soleil j'ai ratés Ma douleur est sourde. Tu hantes ma mémoire. Partout où je vais, je cherche ton visage.
Remerciements Je voudrais exprimer ici ma reconnaissance aux personnes qui m'ont soutenue et conseillée aussi bien au cours de mon travail de recherche que pendant la rédaction. Je pense, en premier lieu à mon directeur de recherches Monsieur le Professeur Eric BUSSIÈRE, qui a su me guider dans mes recherches et dans la rédaction de ce mémoire, à l'ambassade de Chypre à Washington DC pour m'avoir fourni de nombreux document et pour la disponibilité du service du bureau de presse, à Monsieur Jean-Philippe LAGRANGE, à Monsieur Hédi HADDADA et finalement à ma famille. Table des matières LES DESSOUS DU PROBLEME CHYPRIOTE 16 Chapitre 1. Chypre : données géographiques 17 III Une économie dominée par les services 19 1 Les principaux secteurs d'activités 19 2. Faiblesses de l'économie chypriote 20 3. Principaux partenaires économiques 22 IV. Système politique chypriote 23 Chapitre 2: Etat des lieux du problème chypriote 24 I. situation géographique : atout ou handicap ? 24 2. Chypre sous la tutelle britannique 27 4. L'invasion turque : Chypre le martyr 31 5. Chypre : vers deux Etats 34 6. A la recherche d'une solution 35 Chapitre 2: Les différents protagonistes de la crise chypriote 37 IV. La rivalité américano-soviétique 40 DEUXIÈME PARTIE : LA QUESTION EUROPÉENNE À CHYPRE 42 Chapitre 1 : Pourquoi Chypre est- elle éligible ? 43 I. Définition de l'identité européenne 43 II. Les origines européennes de l'île 45 1. Un héritage gréco-romain omniprésent 46 2. Une religion commune : le Christianisme 48 3. La colonisation britannique 49 Chapitre 2 : La question européenne à Chypre 54 I. Vie politique à Chypre et question européenne 54 2. L'église orthodoxe : un poids politique déterminant 60 Chapitre 3 Chypre en quête de la CEE : une grande stratégie pour un petit pays 62 I. Les relations avec la Grande-Bretagne : une priorité 62 1. La CEE et la Grande-Bretagne 63 2. L'impact de l'adhésion britannique sur les relations Grande-Bretagne/Chypre 64 II. Le choix du gouvernement chypriote de l'Association avec la CEE 67 1. De l'accord d'Association CEE - Chypre à l'union douanière 67 2. La Communauté européenne : une alternative pour la sécurité de Chypre 69 TROISIEME PARTIE : LA POLITIQUE EUROPENNE VIS-A-VIS DE CHYPRE 73 Chapitre 1.La Communauté européenne et la crise chypriote 74 I. Les efforts d'internationalisation de la cause chypriote et la CEE 74 1. Le Conseil de l'Europe et la question chypriote dans les années 50 74 2. La Communauté européenne et la crise de 1974 76 3. La Communauté européenne et l'auto proclamation de la RTCN 78 Chapitre 2 : La question chypriote et l'UE entre défis et promesses 80 I. De la candidature à l'adhésion 80 1. Le rôle de la Grèce dans l'accélération du processus d'adhésion chypriote 82 2. Le rôle de la Grande-Bretagne 85 III. La candidature chypriote : un casse tête pour les Européens 87 IV. Chypre : l'après adhésion 90 1. L'Union européenne face à son échec 90 2. La perspective d'adhésion de la Turquie et le veto chypriote 92 I. Accords de Zurich et Londres sur Chypre 11 février 1959 99 II. Accord créant une association entre la communauté économique européenne et la République de Chypre 100 III. Discours de Harold Macmillan (Londres, 31 juillet 1961) 101 IV. Extraits de la Résolution (353) de l'ONU suite à l'invasion turque 104 V. Extraits de la Résolution 573 du Conseil de l'Europe suite à l'invasion turque 104 VI. Extraits de la Résolution 541de l'ONU suite à la proclamation de la RTCN 105 VII. Extraits de la Résolution 974 du Conseil de l'Europe suite à la proclamation de la RTCN 105 VIII. Extraits de la décision de la Commission suite à la candidature chypriote 106 IX. Résolution du Parlement européen (5 septembre 2001) 106 VIII. Tableau Principaux indicateurs économiques de Chypre 116 IX. Tableau comparatif l'Europe à 15/25 117
AbréviationsAKEL : Le parti progressiste des Travailleurs chypriotes (Anorthothikon Komma Ergazomenou Laou) AKP : le parti réformiste islamique (Adelet Kalkinma Partisi) CECA : Communauté européenne du charbon et d'acier CEE : Communauté économique européenne CTP : le parti républicain turc (Cumhuriyet Türk Partisi) DIKO : Le parti démocratique chypriote grec (Dimokratiko Komma ) DISY: Le rassemblement démocratique (Dimokratikos Synagermos) EDEK : Le rassemblement unitaire du centre démocratique (Eniaia Demokratiki Enosis Kendrou) PESC : Politique étrangère de sécurité commune RDC : La république de Chypre RTCN : République turque de Chypre Nord UE : Union européenne Le traité d'Athènes1(*), signé le 16 avril 2003 et entré en vigueur le 1er mai 2004, fait de Chypre, en même temps que neuf autres Etats, un membre à part entière de l'Union européenne (UE). Il s'agit de l'Estonie, de la Hongrie, de la Lituanie, de Malte, de la Pologne, de la Slovaquie, de la Slovénie et de la République Tchèque. L'UE est désormais un ensemble de 25 Etats avec un total de 456 millions d'habitants soit 7,2% de la population mondiale, et une superficie proche de 4 millions de Km 2(*). Par conséquent, l'Union européenne devient la troisième puissance militaire mondiale après les Etats-Unis et le Japon, et le plus grand marché du monde en nombre de consommateurs3(*). Désormais, l'UE est une nouvelle entité qui pourrait s'imposer davantage sur l'échiquier mondial et peut-être rivaliser avec l'actuelle superpuissance qu'est les Etats-Unis d'Amérique, devenue seul « maître du monde » après la chute de l'Union soviétique. Avant de passer à Chypre, il nous semble intéressant de rappeler la chronologie des différentes étapes de l'élargissement de l'UE depuis les Six « fondateurs » qui avaient crée en 1951, la Communauté européenne du Charbon et de l'acier (CECA) regroupant l'Allemagne, la France , l'Italie, la Belgique, les Pays-Bas et le Luxembourg. L'Union européenne assiste à son cinquième élargissement depuis 1957, date à laquelle les Six signent le traité de Rome qui donne naissance à la Communauté économique européenne (CEE). Le premier élargissement de la communauté européenne remonte à 1973, avec l'adhésion du Danemark, de l'Irlande et du Royaume-Uni. La Grèce rejoint la Communauté en 1981. Cinq ans après, l'Espagne et le Portugal rejoignent la CEE. Le traité de Maastricht conclu le 10 décembre 1991 et signé le 7 février 1992, crée l'Union européenne, qui remplace la CEE à partir du 1er novembre 1993. En 1995, elle admet trois nouveaux membres : l'Autriche, la Finlande et la Suède. La Bulgarie et la Roumanie accèderont à l'Union en 2007. En ce qui concerne la candidature turque, elle reste en suspens vu son statut particulier malgré le début des négociations avec cette dernière le 3 octobre 2005, sans pourtant oublier que la Turquie a signé, dès 1963 un accord d'Association avec la CEE4(*), suivi par la signature de l'union douanière entrée en vigueur le 31 décembre 1995. L'élargissement de 2004 est le plus important de l'histoire de l'Europe. D'abord, cette vague d'adhésions s'inscrit dans un contexte inédit : la réunification du continent européen déchiré par la deuxième guerre mondiale et l'antagonisme Est-ouest et la Guerre froide. De plus, cet élargissement est le plus important par le nombre de pays concernés : dix pays dont Chypre. Si Chypre et Malte, deux îles minuscules au sein de la Méditerranée, ont un niveau comparable à la majorité des pays européens déjà membres avec des économies viables et des institutions stables, les pays de l'Est sont au dessous des exigences européennes. Ils présentent un certain nombre de similitudes ; ils sont tous plus pauvres que la moyenne des Quinze et n'ont pas de tradition de démocratie ni d'économie de marché5(*). A ce propos, il nous semble intéressant de préciser que la Hongrie et la République Tchèque avaient un système démocratique et une économie de marché avant la première Guerre mondiale. Fraîchement libérés du joug communiste avec l'effondrement du bloc soviétique, ils revendiquent leur identité européenne et leur désir de rejoindre l'Europe malgré la longue distance qui les séparent de cette Europe en pleine expansion géopolitique. Les réformes structurelles et politiques - acquis minimal en règles démocratiques, droits de l'homme, droits des minorités) engagées dans tous ces pays ont apporté leurs fruits et ont été scellées par l'adhésion du 1er mai 2004. Revenons maintenant au cas chypriote, sujet de notre présente étude. Chypre illustre parfaitement un conflit territorial qui demeure insoluble. Peu après son indépendance en 1960, elle est un terrain de conflits entre Grecs et Turcs. Souvent, les différents conflits qui pèsent sur les relations internationales sont des différends territoriaux vu que le territoire est l'ultime moyen pour accéder aux richesses naturelles, accéder à la mer, étendre son territoire. Cela constitue un accès à une grande voie de communications et d'échanges, ce qui mettra l'Etat en position de force. N'est-il pas vrai que les questions les plus insolvables sont les questions territoriales à l'instar de la Palestine, le Cachemire disputé entre l'Inde et le Pakistan ou encore le conflit du Sahara occidental?6(*) Chypre, est non seulement un cas singulier au centre de la Méditerranée, mais aussi dans cette vague d'élargissement. Cette île minuscule par sa taille pèse lourd dans les négociations interétatiques depuis les années 60. Si son adhésion à l'Union européenne ne pose pas de problèmes majeurs sur le plan économique, il en va autrement du domaine politique. La partition de facto de l'île, qui reflète l'évolution très peu satisfaisante des négociations intercommunautaires menées au nom de l'ONU ou sous son égide, constitue un handicap de taille. Un petit Etat, qui est encore divisé rentre avec une seule partie, la partie grecque, qui représente les 2/3 de la population de l'île. La partie turque ne l'est pas encore bien que la majorité de ses habitants aient voté pour, mais la partie chypriote grecque a rejeté le plan d'union proposé par l'ONU. La situation actuelle de Chypre est la conséquence directe de deux faits majeurs : la gestion britannique « Divide and rule » de cette l'île ; la guerre du monde bipolaire et les querelles intestines des différents protagonistes - les Etats-Unis et l'URSS - impliqués dans ce conflit. Dans ce contexte, l'OTAN a essayé de gérer la crise chypriote pendant la guerre froide. L'île d'Aphrodite demeure divisée depuis l'intervention de l'armée turque en 1974. Sa candidature à l'Union européenne quoiqu'elle soit politiquement problématique était considérée par tous les milieux officiels et académiques comme le dernier espoir pour la réunification de l'île. Pendant le long processus de négociations d'adhésion de l'île, l'UE n'était pas l'unique puissance en position de jouer un rôle de taille afin d'apporter une solution et rétablir la paix et la stabilité dans l'île. Les Etats-Unis comme les Européens ont joué un rôle important dans l'élaboration du plan Annan. Le conflit chypriote, demeurant non résolu depuis 1974, a divisé la classe politique européenne pendant les négociations de l'adhésion de Chypre. Il a également pesé lourd sur tous les acteurs qui y sont impliqués (la Turquie, la Grèce et le Royaume-Uni. L'impact problématique du statut de l'île de chypre ne se limite pas uniquement au processus de négociation et d'adhésion, l'après adhésion pose aussi un problème de taille, surtout dans le processus de négociations avec la Turquie. Dans ce contexte, l'Union européenne affronte un dilemme de taille à cause de sa politique d'élargissement vers Chypre. Est-il vrai qu'en adhérant à l'Union européenne, l'île de Chypre retrouve son indépendance en jouissant d'une reconnaissance mondiale? Pourtant, après l'adhésion, qui lui redonne le goût de jouer un rôle important au moins en Europe. La contradiction est bien présente. Elle retrouve une souveraineté : sécurité, assurance au sein de l'Europe pour la perdre aussitôt7(*). Volontairement certes, mais cela n'effacera pas les réticences vis-à-vis de son entrée en Europe et la complexité de son statut dans les négociations avec la Turquie. Chypre est considérée comme un point de passage indispensable dans les relations internationales. Depuis l'occupation turque de 1974, le débat politique est dominé par cette situation de division de l'île en deux parties hostiles et la nécessité d'un règlement de paix. Nous avons par conséquent été tenté d'explorer cette question et d'analyser la situation nouvelle et paradoxale de Chypre au sein de l'Union Européenne. Aussi étrange que cela puisse paraître, nous avons dès le départ été confronté à la diversité et à l'abondance des études traitant de ce sujet. Depuis la demande d'adhésion de la république de Chypre, cette situation a suscité l'intérêt de tous les milieux et provoqué plusieurs publications autant académiques que gouvernementales. La problématique et les démarches ayant abouti à l'adhésion ont été suffisamment documentées. Cependant, la question Chypriote et sa spécificité au sein de l'UE restent peu connues du public français. Ce constat est confirmé tout au long de notre travail de recherche. En effet, lors de l'élaboration de cette étude, nous nous sommes parvenus à l'évidence que la plupart de ces travaux si riches et souvent analytiques considèrent que l'histoire de Chypre est caractérisée par l'immobilisme. Alors que dans la stagnation pourraient émerger des évènements moins apparents mais susceptibles d'être interprétés différemment comme le confirme Chateaubriand dans ses Mémoires d'outre-tombe « Je vous fais voir l'envers des évènements, que l'histoire ne montre pas ». Dans le cas chypriote, plusieurs mutations ont marqué l'histoire géopolitique de l'île, sujet de convoitise à travers toutes les périodes dans une zone hautement conflictuelle : la Méditerranée. Un autre constat s'impose : l'absence de contributions en langue française à part quelques documents et articles spécialisés alors que les travaux anglo-saxons sont nombreux et mis à jour. Par souci de lancer un nouveau débat, surtout après la date historique du deuxième grand élargissement de l'Union européenne (mai 2004), et après des discussions fructueuses avec mon directeur de recherches, Monsieur le Professeur BUSSIERE, nous avons décidé d'étudier et d'analyser la situation de Chypre, petit pays mais clef dans la situation politique contemporaine, les démarches pour et obstacles à son adhésion, en passant par les récentes tentatives (à la veille de son entrée à l'UE) d'unification de l'île et l'évolution de la politique européenne vis-à-vis de Chypre. En effet, le présent travail constituera une introduction à un sujet plus vaste : Les répercussions de l'élargissement de l'Union européenne sur les relations Nord-Sud et la place qu'occupe l'Union européenne dans cette perspective face à la concurrence américaine. Notre démarche se veut analytique en allant à l'essentiel. L'inégale longueur des différentes parties du travail est dictée par l'importance de chaque section par rapport au thème principal. Une première partie sera consacrée au problème chypriote et à ses origines. Dans ce contexte, nous avons jugé utile d'aborder ce thème, tout en sachant qu'il a été abondamment documenté et analysé par les médias et les analystes politiques, vu qu'il a constitué tout au long des négociations de l'adhésion un majeur facteur de discorde entre différents acteurs. En effet, comme l'a souligné Semin Suvarierol, le problème politique demeure le seul point noir dans le dossier chypriote. Dans une deuxième partie, nous essayerons d'analyser la question européenne à Chypre. A ce stade, il nous paraît utile de rappeler son identité européenne, les intérêts chypriotes au sein de la Communauté européenne et d'exposer les grands enjeux que pourraient soulever son d'adhésion. De même, les positions des partis politiques chypriotes vis-à-vis de l'Europe seront reprises dans cette partie du travail. Une troisième partie traitera la politique de l'Union européenne vis-à-vis de Chypre. L'Union européenne est intervenue dans le conflit chypriote mais pas de manière suffisamment active et distincte de Washington. Le processus des négociations de l'adhésion chypriote s'était avéré épineux, notamment en raison des pressions imposées par la Grèce. En ce qui concerne la Grande-Bretagne, elle a adopté une politique de « coulisses » dans le dossier chypriote. L'adhésion de la partie grecque seulement malgré les efforts, sans succès, de l'ONU pour parvenir à un accord présente une situation sans précédent d'un Etat membre dont une partie reste occupée et non reconnue par un Etat candidat : la Turquie. LES DESSOUS DU PROBLEME CHYPRIOTE * 1 Il ouvre la porte de l'Union européenne aux pays de l'Europe centrale et orientale. Il porte modification aux traités instituant la Communauté européenne et l'Union européenne. * 2 Voir Annexe IX : tableau comparatif : L'Europe à 15 et celle à 25. * 4 L'accord d'Association entre la Turquie et la Communauté économique européenne, surnommé accord d'Ankara, est signé le 12 septembre 1963 et inclut, comme celui avec la Grèce, et contrairement à ceux conclus avec le Maroc et la Tunisie en 1969, la perspective d'une adhésion. * 5 Commission européenne/ DG. Presse et communication, D'avantages d'unité et de diversité, l'élargissement historique de l'UE, 2003, disponible sur le site de la Commission européenne : http://europa.eu.int/comm/enlargement. * 6 Trois éléments traditionnels constituent ce qu'on appelle un Etat : le territoire ; la population et l'appareil politique et administratif. Cependant, certains territoires possèdent ces trois éléments constitutifs, mais, ils ne sont pas considérés comme Etat car ils sont sous tutelle ou sous mandat. Par conséquent, le facteur indispensable pour constituer un Etat est la souveraineté. * 7 D'après Courrier International, « L'Atlas des Atlas », mars- avril- mai 2005 : aujourd'hui, dans l'UE, l'acquis communautaire est la référence -c'est-à-dire un corpus de 80 000 textes de lois que tout pays désirant d'intégrer l'Europe doit intégrer dans sa législation sans sourciller. Avec les critères de Copenhague de 1993 et les décisions prises à Helsinki en 1999, l'UE a défini les conditions à remplir par les candidats et les contrôles.. |
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